Le Devoir, Montréal, Édition du mardi, 18 mars 2003, page A8 – ÉDITORIAL.

ÉDITORIAL

DIVORCE À L'ONU
Serge Truffaut

Le président Bush a clos hier soir le chapitre diplomatique. Celui de la guerre va donc suivre sans que l'ONU n'ait accordé son autorisation, faute d'accord au sein de son Conseil de sécurité. La hâte manifestée par ceux qui voulaient en découdre avec Saddam Hussein, ainsi que le changement de priorités effectué en cours de route, a confirmé combien
l'administration Bush était réfractaire à tout ce qu'induit le droit international.

La conclusion toute bancale de l'épisode diplomatique est
une certification du fort penchant unilatéraliste qui règne à la Maison-Blanche. Depuis son installation en ce lieu, Bush a campé le rôle de monsieur Niet avec une constance dont il est bon désormais de souligner les principaux faits. Le président du pays le plus puissant qui soit a adressé un non aux traités internationaux suivants : sur les mines antipersonnel, sur la prolifération des armes légères, sur le blanchiment de l'argent sale, sur la torture, sur les droits des enfants, en plus d'ordonner le retrait du traité anti-missile sans négociation avec la Russie sans oublier le non au Protocole de Kyoto. À cela, on se doit d'ajouter que, conformément à la politique élaborée par sa conseillère à la Sécurité nationale, Condoleezza Rice, toute articulée en fonction des seuls intérêts des États-Unis, le président Bush avait estimé, peu après son installation, que le recours constant à la diplomatie de la part du président Clinton dans le dossier du Proche-Orient n'ayant rien donné, la seule solution envisageable était... l'indifférence !

Bien ancrée chez tous les principaux acteurs de l'administration Bush, cette culture forcenée de l'unilatéralisme, qui cache mal une forte tentation impériale, a eu raison des efforts diplomatiques déployés pour désarmer pacifiquement l'Irak. Le moins que l'on puisse constater, lorsqu'on considère que la mission d'inspection a disposé de tous ses instruments fin-janvier, début février, c'est que l'administration Bush ainsi que la britannique, avec sa manie de formuler résolution sur résolution, ont ennuyé plus que soutenu Blix et ses collaborateurs. Quand on pense qu'ils sont allés jusqu'à produire un vieux travail d'étudiant en guise de preuve !

De tout ce cafouillage, le plus pernicieux est sans aucun doute ce changement de cible, ce détour des objectifs que Bush et Blair ont voulu imposer aux forceps à tout un chacun. Alors que la communauté internationale entendait composer avec la résolution 1441, ces deux chefs d'État, ainsi que le premier ministre espagnol José Maria Aznar, ont jugé que le renversement de régime devait avoir préséance sur le processus de désarmement tel que balisé par la 1441. Il ne fait aucun doute que le régime d'Hussein est exécrable, odieux. Mais s'il faut vraiment s'attaquer à un régime, pourquoi ne pas commencer par la Syrie, régime aussi dictatorial que celui d'Hussein et qui, lui, a fait main basse sur un pays qui s'appelle le Liban. Mais bon... est-ce qu'il y a du pétrole au Liban ? Pourquoi ne pas renverser les féodaux de l'Arabie saoudite dont on sait que certains d'entre eux ont apporté leur soutien à Oussama ben Laden ? Et pourquoi pas la Libye ou le Soudan ?


Hier encore, le Canada, la France, l'Allemagne et plusieurs autres ont martelé que, faute de caution de l'ONU, il n'était pas question d'une participation militaire. En Grande-Bretagne, le leader des Travaillistes à la Chambre des communes, Robin Cook, dont il faut rappeler qu'il fut ministre des Affaires étrangères, a démissionné de son poste en signe de protestation. À tout cela, le trio de la guerre fait le chantage suivant : par votre faute, l'ONU va imploser. Probablement que cette dramatisation extrême de l'avenir de cette organisation essentielle a ceci pour moteur : ils récusent tout ce qui porte l'empreinte de celle-ci parce qu'ils ne sont pas dans la... légalité !

Fin
Cliquer ici pour télécharger le texte de cet article, un texte de 2 pages
au format Word, 28 K. au format PDF, 12 K. au format RTF.

Retour à la page d'accueil

Site internet

Dernière mise à jour de cette page le Dimanche 06 avril 2003 15:07
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue