Le Devoir, Montréal, édition du vendredi 11 avril 2003, Éditorial.

Nous sommes-nous
trompés ?

Paule Des Rivières

Mots clés : Irak (pays), États-Unis (pays), Armement, Forces armées, erreur, intervention, opposition

Tous les pays occidentaux ont salué mercredi la victoire américaine à Bagdad. Et pour cause. Il ne se trouve personne pour regretter le départ d'un des dictateurs les plus corrompus de la planète. Cela signifie-t-il pour autant que les opposants à l'intervention armée ont fait fausse route en refusant d'appuyer la stratégie de George W. Bush ? Que non !

Une fois la guerre devenue réalité, tous les gouvernements, qu'ils aient été pour ou contre la guerre en Irak, ont souhaité un dénouement rapide des hostilités. La victoire américaine n'a jamais été mise en doute ; seule sa durée restait inconnue. Aujourd'hui, comment ne pas se réjouir du départ du dictateur ? Mais cela ne signifie aucunement que les pays qui se sont opposés à cette guerre se soient trompés en dénonçant son caractère illégitime.

La méthode utilisée pour renverser la dictature irakienne n'est pas plus justifiable aujourd'hui qu'elle l'était hier. D'ailleurs, les responsables du Pentagone sont incapables de répondre aux nombreuses questions sur la présence d'armes de destruction massive en Irak, prétexte qui a servi à justifier l'attaque. Aucune découverte n'a encore été annoncée.

Aussi, on ne le dira jamais assez, cette première guerre préventive, sans l'aval des Nations unies, pourrait servir de justification à d'autres attaques et mettre en péril le travail colossal effectué depuis la Seconde Guerre mondiale afin de confier la gestion de conflits internationaux à des organisations s'appuyant sur des règles de droit. Les déclarations menaçantes du Pentagone à l'endroit de la Syrie ont de quoi inquiéter.

Mais avant tout, il faut attendre la suite des événements. Les Irakiens sont heureux du renversement d'un des régimes les plus répressifs de la planète, n'en doutons pas. L'avenir contient désormais une promesse, en dépit des formidables défis auxquels le peuple est confronté.

Les arguments que les opposants à la guerre ont servis avant le début de l'attaque tiennent encore. Mais sauront-ils convaincre l'administration américaine de la nécessité de redonner à l'ONU un rôle majeur non seulement dans la distribution d'aide aux Irakiens mais dans la reconstruction et la redéfinition de la vie politique ? Les propos du sous-secrétaire à la Défense, Paul Wolfowitz, sur le rôle très secondaire qu'il envisage pour l'ONU tranchent ouvertement avec ceux du secrétaire d'État Colin Powell. Cette bataille diplomatique sera déterminante non seulement pour l'Irak mais pour la suite de l'ordre mondial. Un unilatéralisme sans concessions aggraverait les tensions déjà fortes entre l'Europe et les États-Unis.

Plus fondamentalement, cette question conduit à une autre interrogation, à savoir si le déploiement de la force américaine correspond à l'idéologie d'un président ou si elle incarne les États-Unis de demain, indépendamment de l'équipe au pouvoir.

pdesrivieres@ledevoir.ca

Fin
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Dernière mise à jour de cette page le Samedi 12 avril 2003 17:14
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue