Le Devoir, Montréal, Édition du mercredi 14 mai 2003, page A 2- Les Actualités

Recensement 2001

Religion: le paradoxe québécois.


Clairandrée Cauchy

Mots clés : Québec (province), Religion, recensement 2001


Même s'ils pratiquent peu, une grande majorité de Québécois (83,2 %) s'identifient toujours à la religion catholique romaine.

Après Terre-Neuve, le Québec est la deuxième province où il y a le moins de personnes qui déclarent n'appartenir à aucune religion. Lors du dernier recensement, réalisé en 2001, seulement 5,6 % des Québécois affirment n'avoir aucune religion, soit une augmentation de 56 % par rapport au recensement de 1991. Cette proportion est de 16,2 % dans l'ensemble du Canada.

Seule Terre-Neuve affiche un taux plus bas que le Québec, avec 2,5 %. Le Territoire du Yukon et la Colombie-Britannique remportent la palme du pourcentage d'areligieux (37,4 et 35,1 %). Près des trois quarts des Canadiens qui disent n'appartenir à aucune religion ont moins de 44 ans.

Pourtant, le Québec est aussi la province où la participation aux services religieux est la plus faible, selon l'Enquête sociale générale également publiée par Statistique Canada. Entre 1999 et 2001, seulement 25 % de la population québécoise assistait à un service religieux au moins une fois par mois, alors que cette proportion était de 32 % dans l'ensemble du Canada. Le Québec est aussi la province où la pratique religieuse a le plus chuté entre 1989 et 2001 (-13 %).

Pourcentage de personnes qui déclarent n'appartenir à aucune religion

Canada.....................................................................

16,2 %

Terre-Neuve et Labrador..............................................

2,5 %

Île du Prince-Édouard.................................................

6,6 %

Nouvelle-Écosse........................................................

11,6 %

Nouveau-Brunswick...................................................

7,8 %

Québec.....................................................................

5,6 %

Ontario....................................................................

16,0 %

Manitoba..................................................................

18,3 %

Saskatchewan............................................................

15,4 %

Alberta.....................................................................

23,1 %

Colombie-Britannique................................................

35,1 %

Territoire du Yukon....................................................

37,4 %

Territoire du Nord-Ouest.............................................

17,4 %

Nunavut...................................................................

6,0 %


Ce paradoxe pourrait s'expliquer par la structure centralisée de l'Église catholique romaine, qui réussirait mieux à maintenir le sentiment d'appartenance envers la religion, selon une hypothèse formulée par une analyste senior à Statistique Canada, Sylvie Bourbonnais.

« C'est peut-être parce que l'Église catholique romaine a une présence très forte sur la place publique. Les médias suivent les visites du pape d'un bout à l'autre de la planète. Les leaders des autres religions, protestantes en l'occurrence, ne sont pas aussi présents. C'est plus facile de maintenir l'identité religieuse dans ce contexte, même si les gens ne pratiquent pas », avance la sociologue de Statistique Canada.

Pour l'anthropologue Robert Crépeau, directeur-adjoint du Centre d'étude des religions de l'Université de Montréal, le sentiment d'appartenance envers la religion demeure important en raison de la place que cette dernière a occupée historiquement dans la société québécoise. « La réponse aurait probablement été différente si on avait posé des questions sur la croyance ou la spiritualité », estime le professeur à l'Université de Montréal, en précisant que les jeunes semblent être à la recherche de nouvelles formes de pratiques religieuses.

Le protestantisme recule

De façon générale, le nombre de catholiques a légèrement augmenté au Québec depuis le dernier recensement (1,3 %), alors que les différentes religions protestantes perdent des plumes, comptant près de 7 % de moins de membres qu'en 1991, soit 29,2 %.

Dans l'ensemble du Canada, la religion catholique demeure en tête de liste, avec 43,2 % de la population qui s'y identifie, en augmentation de 4,8 % par rapport à 1991. Le protestantisme affiche un recul de 8 %. « Depuis les années 1960, la religion protestante a toujours décliné, principalement au profit de la catégorie de gens qui se déclarent sans religion », observe Mme Bourbonnais.

Cette diminution s'explique également par le vieillissement de la population : l'âge médian des membres des religions protestantes est généralement plus élevé que celui des catholiques.

L'évolution des vagues d'immigration explique aussi en partie ce phénomène, estime la sociologue Sylvie Bourbonnais. De moins en moins de protestants immigrent au Canada alors que la proportion de nouveaux arrivants qui se déclarent sans confession (21,3 %) augmente de plus en plus, principalement en raison de l'afflux de personnes en provenance de la Chine et de Hong Kong. De plus, une proportion importante des immigrants arrivés entre 1991 et 2001 étaient de confession catholique (23 %).

La bonne posture de la religion catholique étonne tout de même le professeur Robert Crépeau : « Il est surprenant de constater une certaine continuité dans le nombre de catholiques romains, malgré les difficultés de l'Église à s'affirmer et se redéfinir, notamment en faisant une place aux femmes dans le culte », commente-t-il.

Religions issues de l'immigration

La religion musulmane a fait un bond considérable, tant au Québec que dans l'ensemble du Canada. Le nombre de musulmans a augmenté de 141,8 % depuis le dernier recensement, principalement grâce à la venue d'immigrants. Quelque 108 620 personnes appartenaient à cette religion en 2001, de ce nombre 100 200 vivaient à Montréal. Il y a d'ailleurs maintenant plus de musulmans que de juifs au Québec, ils représentent respectivement 1,5 % et 1,3 % de la population. Le rapport est presque de deux musulmans pour un juif au Canada.

Les religions issues de la région indo-pakistanaise et asiatique ont aussi connu d'importantes augmentations. Le nombre de sikhs a crû de 81,7%, d'hindous de 73,7 % et de bouddhistes de 30,8 %. Évidemment, une grande majorité des citoyens appartenant à ces religions vivent dans la région montréalaise.

Fin
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Dernière mise à jour de cette page le Jeudi 15 mai 2003 07:43
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue