Le Devoir, Montréal, Édition du mercredi 14 mai 2003, page A 2- Les Actualités

Recensement 2001

Le revenu des familles.

Les riches s'enrichissent...
Mais les familles monoparentales et les personnes âgées ont aussi amélioré leur sort


Valérie Dufour

Mots clés : Québec (province), Pauvreté, Famille, recensement 2001, revenu

Tandis que les enfants d'immigrants vivent de plus en plus pauvrement, les personnes âgées et les mères de famille monoparentale ont vu leurs revenus augmenter au cours de la dernière décennie.

Comme en témoigne l'analyse tirée du recensement du 15 mai 2001 et publiée hier par Statistique Canada, le revenu moyen des familles n'a guerre bougé depuis dix ans. Ainsi, le revenu familial brut (avant les impôts), qui se situait à 54 560 $ en 1990, était de 55 016 $ en 2000, soit une différence de 456 $ ou 0,8 %.

Toutefois, en examinant de plus près les données, on constate que la situation n'est pas aussi uniforme entre les différents groupes de la société. C'est le cas des familles les plus riches, qui ont vu leur situation financière s'améliorer sensiblement.

Tirant profit de la croissance économique, le revenu moyen des familles les mieux nanties a bondi de 161 460 $ à 185 070 $, un saut de 14,6 %. Qui plus est, le revenu combiné de la tranche de 10 % des familles riches compte maintenant pour 28 % des revenus de l'ensemble des familles recensées.

« La population n'a pas profité des gains de productivité et de la croissance économique. Ce sont les compagnies qui en sont sorties gagnantes », croit Ruth Rose, professeur au département des sciences économiques de l'UQAM.

Mais il faut faire attention, signale le sociologue Simon Langlois, de l'Université Laval. « On présente les revenus bruts et non les revenus disponibles. Or notre système d'imposition est progressif et ceux qui ont des salaires très élevés paient également plus d'impôt. Oui, il y a des écarts de revenu de marché. Oui, les riches se détachent du peloton et c'est d'ailleurs une tendance nord-américaine. Mais nous avons des mécanismes de redistribution qui font en sorte qu'il y a une ponction sur les revenus les plus élevés qui diminue les inégalités. »

Cela dit, la pauvreté a augmenté de façon dramatique chez les enfants de nouveaux arrivants. « Alors que le nombre d'enfants se trouvant dans une situation de faible revenu et ayant des parents natifs du Canada a diminué au cours de chacune des deux dernières décennies, le taux de faible revenu chez les enfants ayant des parents immigrants s'est accru », souligne Statistique Canada.

Ainsi, le tiers des enfants -- on parle ici de 231 000 enfants -- dont l'un des parents s'est installé au pays au cours des années 1990 vit dans la pauvreté. Il s'agit d'une nette détérioration de la situation puisqu'en 1980, ce pourcentage était de 20 %. À titre de comparaison, 16 % des enfants de parents nés au Canada vivaient sous le seuil de la pauvreté en 2000, en baisse de trois points depuis 20 ans.

Et c'est encore pire lorsque les deux parents ont récemment immigré au pays, car 39 % de ces familles vivent dans la pauvreté. « En général, les immigrants ont des problèmes à s'intégrer au marché du travail, car il y a encore beaucoup de discrimination, souligne Ruth Rose. Il faudrait cependant voir à long terme et non seulement vérifier ce qui se passe au cours des premières années. »

La situation est tout autre pour les mères de famille monoparentale et les personnes âgées, qui ont vu leur sort s'améliorer au cours des années 90. Pour la première fois depuis 1980, la proportion de familles à faible revenu est passée sous la barre des 50 % pour se poser à 46 %.

« Les femmes sont plus scolarisées et elles ont également sans doute eu plus d'opportunités sur le marché du travail car, pour sortir de la pauvreté, il faut des revenus de travail », indique Pierre Lefebvre, professeur au département de sciences économiques de l'UQAM.

Mais encore, l'aide accordée par l'État sous forme d'allocation a également donné un coup de pouce aux familles monoparentales. « Ces familles voient leur revenu disponible augmenter plus rapidement par rapport aux autres groupes à cause de bénéfices fiscaux », insiste Simon Langlois.

Les personnes âgées ont également une bourse mieux remplie. En 2000, 17 % d'entre elles vivaient dans la pauvreté, ce qui représente une baisse de 13 points depuis 1980. « Cela reflète une plus grande participation au marché du travail de ceux qui ont pris leur retraite dans les années 90 », croit M. Lefebvre. Ainsi, un nombre plus élevé de travailleurs auraient bénéficié de régimes de retraite privés. Ils auraient également mis plus d'argent de côté par le truchement de placements.

VOIR l'article de Normand Delisle: “ L'État doit assumer ses responsabilités envers les pauvres. Les chiffres démontrent que « le lobby des riches a été plus efficace », estime Vivian Labrie” publié dans le Devoir du 14 mai 2003, page A2 en réponse à ces chiffres divulgés par Statistique Canada.

Fin
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Dernière mise à jour de cette page le Mercredi 14 mai 2003 09:31
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue