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Statistiques et caractéristiques des jeunes Montréalais
par la Direction de la santé publique de Montréal-Centre
Le site web de Santé publique de Montréal-Centre est fermé, mais nous avons conservé les données qu'on retrouvait sur les jeunes Québécois et Québécois |
Sujet: Les jeunes Montréalais sont-ils souvent victimes de violence ? Télécharger le texte intégral de l'article: un fichier Word 2001 de 44 K. |
par Direction de la santé publique de Montréal-Centre http://www.santepub-mtl.qc.ca/Priorites/jeunes/abus.html Actuellement, on ne peut établir l'ampleur réelle des situations de violence ou de négligence à l'endroit des jeunes de 6 à 17 ans sur le territoire de Montréal-Centre. On dispose toutefois des taux de mauvais traitements dévoilés aux services de protection de la jeunesse. En 1995, 10 411 signalements ont été acheminés aux Centres jeunesse de Montréal et aux Centres jeunesse et de la famille Batshaw, dont 47% ont été retenus pour évaluation, soit une situation semblable à ce qui fut observée en 1994 (1). Des 4 887 signalements retenus pour l'ensemble des moins de 18 ans, 1 134 signalements (excluant les troubles de comportements) concernaient 1 000 enfants âgés de 6 à 11 ans (2) et 946 signalements (excluant les troubles de comportements) concernaient 829 jeunes de 12 à 17 ans. Cela représente un taux de 1% d'enfants âgés de 6 à 11 ans et de 0,7% de jeunes de 12 à 17 ans ayant eu au moins un signalement retenu à la Direction de la protection de la jeunesse (DPJ) pour évaluation. Mentionnons qu'environ 50% des signalements retenus auront un verdict de sécurité et développement compromis suite à l'évaluation. Pour les enfants de 6 à 11 ans, la négligence est le motif le plus souvent retenu lors du signalement à la DPJ. En effet, 61% des 1 134 signalements ont été retenus pour négligence (4), soit 687 situations de négligence. Viennent ensuite les signalements pour abus physique (5) qui représentent 24% de l'ensemble (274 situations d'abus). Puis on observe, 10% de signalements retenus spécifiquement pour des causes d'abus sexuel (6); trois fois sur quatre l'enfant signalé est une fille. Notons que 27 cas d'abandon (7) se retrouvent également parmi les signalements retenus. Pour les jeunes de 12 à 17 ans, la négligence est le motif le plus souvent retenu quand on élimine les troubles de comportement. Ainsi, 38% des 946 signalements ont été retenus pour négligence (4), soit 359 situations de négligence. Suivent de près les signalements pour abus physique (5) qui représentent 28% de l'ensemble (269 situations d'abus). Viennent ensuite les signalements pour abus sexuel (14%) et pour autres raisons (12%). Notons que 70 cas d'abandon (7) se retrouvent également parmi les signalements retenus. Cette répartition des motifs est semblable à celle observée pour les évaluations concluant à la compromission de la sécurité et du développement des enfants de 6 à 11 ans et des jeunes de 12 à 17 ans. Par ailleurs, les chiffres d'abandon sous-estiment sans doute la réalité de l'abandon parental aujourd'hui: ils ne tiennent pas compte des enfants placés pour de longues périodes dont les parents se sont manifestement désintéressés (enfants ou jeunes qui sont souvent pris en charge en vertu d'autres alinéas de la Loi de la protection de la jeunesse (LPJ)ou en vertu de la Loi sur les services de santé et les services sociaux (LSSSS). Prévus pour être temporaires, les placements se prolongent et on assiste à de nombreux déplacements et aux ruptures répétées des liens. Afin d'illustrer l'importance du phénomène mentionnons qu'au 31 mars 1992, parmi l'ensemble des enfants de 5 à 10 ans pris en charge par le Centre de services sociaux du Montréal métropolitain, 387 étaient placés depuis plus de deux ans. Sur ce nombre, 175 étaient placés depuis plus de cinq ans. Parmi l'ensemble des enfants âgés de 5 à 10 ans placés depuis plus de deux ans, 19% n'avaient aucune forme de contacts avec leurs parents et 17% n'avaient avec eux que des contacts épisodiques (1 à 8 fois par année). Puisqu'il existe un lien juridique entre les enfants et leurs parents biologiques, ces enfants restent privés d'une relation continue et fiable avec un adulte significatif entraînant le plus souvent un impact très négatif sur leur développement ultérieur. Ce portrait établi à partir des signalements retenus à la DPJ est intéressant, mais on doit garder en tête que les taux de signalements retenus traduisent non seulement la réalité mais également le degré d'efficacité du dépistage et des pratiques de dévoilement existant dans la communauté. Il faut interpréter ces taux comme une représentation des situations les plus graves et les plus apparentes. Ils ne reflètent pas les situations moins spectaculaires identifiées par les professionnels de divers milieux (CLSC, CH, milieu scolaire) et de la communauté. L'enquête sociale et de santé québécoise de 1992-1993 (8) qui comportait un questionnaire spécifique sur l'ampleur des conduites violentes intrafamiliales ou de la part de proches nous permet d'apporter un peu de lumière sur les enfants victimes de violence même si des difficultés reliées à une première tentative ne permettent pas d'établir un taux national. Reste qu'on observe que 53 % des enfants échantillonnés âgés de 7 à 10 ans ont été victimes de violence verbale ou symbolique, 32 % de violence physique mineure et 6 % de violence physique grave. Chez les jeunes de 11 à 14 ans, 50% ont été victimes de violence verbale ou symbolique, 20% de violence physique mineure et 4% de violence physique grave. Enfin, chez ceux de 15 à 17 ans, 40% ont été victimes de violence verbale ou symbolique, 10% de violence physique mineure et 3% de violence physique grave. Si on appliquait les taux de violence physique grave aux jeunes montréalais, on pourrait avancer qu'environ 6 500 enfants de 6 à 11 ans et 4 100 adolescents de 12 à 17 ans pourraient avoir été victimes de violence physique grave chaque année. Ce nombre s'écarte considérablement des cas signalés et retenus pour abus physique à la DPJ car il s'agit d'un pronostic rare réservé aux jeunes qui présentent des évidences de violence physique grave. Nous n'avons pas d'information provenant d'enquêtes pour la négligence dont les parents feraient preuve envers les jeunes. On peut compléter ce tableau par quelques informations provenant des statistiques des victimes de crimes publiées par le ministère de la Sécurité publique pour le Québec en gardant en tête que le nombre d'infractions par 1000 habitants le plus élevé de la province se retrouve dans la région de Montréal-Centre avec un indice de 110,5 (9). On y apprend qu'en 1994, 5 % des victimes des 52 701 crimes de violence commis au Québec ont moins de 12 ans et que 15% étaient âgées de 12 à 17 ans. Lorsque l'on étudie la répartition des victimes selon les principaux types de violence, on constate toutefois que 26 % des victimes d'agression sexuelle étaient âgées de moins de 12 ans et 33% de 12 à 17 ans. Parmi les victimes de voies de faits graves (10) et d'autres voies de faits, 14% et 13% des victimes étaient âgées de 12 à 17 ans. En ce qui concerne les victimes d'homicides et de tentatives de meurtre, 7% et 2% respectivement ont moins de 12 ans alors que 4% et 7% des victimes étaient des adolescents. Il faut préciser que les statistiques nous renseignent peu sur les jeunes témoins de violence. On sait que les jeunes qui vivent dans un contexte de violence conjugale subissent toujours les effets négatifs de cette violence et dans certains cas, leur développement peut même se trouver en danger. Il semble que la majorité des enfants de femmes victimes de violence soient témoins des sévices subis par leur mère et que dans 30 à 40% des cas, l'abus commis envers la conjointe s'accompagne d'abus physique et sexuel chez les jeunes (11). N'oublions que l'ensemble des résultats présentés ici ne font pas ressortir la superposition de différentes formes de mauvais traitements dans les cas les plus graves. Une étude de Mayer-Renaud (12) a permis d'observer que parmi les enfants pris en charge par les Bureaux de services sociaux du CSSMM, ceux qui sont victimes de manifestations légères ou graves de négligence sont également décrits dans 15% comme victimes d'abus sexuel, dans 27% comme victimes d'abus physique et dans 54% comme victimes de violence psychologique. Par ailleurs, sans avoir de chiffres précis pour le Québec ni pour Montréal-Centre, mentionnons quand même que " la prostitution est un métier dangereux, en particulier pour les jeunes. Un grand nombre de prostitués se joignent au commerce charnel lorsqu'ils sont jeunes, après avoir été victimes d'agression sexuelle ou d'autres formes de violence familiale. Une fois engagés dans la prostitution, les jeunes sont vulnérables aux voies de fait, aux agressions sexuelles, à l'exploitation et à de mauvais traitements commis par des clients et des proxénètes, ainsi qu'à la toxicomanie et à la maladie [...]. Selon les données du DUCCII, 7% des personnes accusées par la police d'infractions reliées à la prostitution en 1994 étaient des jeunes de 12 à 19 ans " (13). La violence faite aux enfants selon l'origine ethnique est un autre volet important de la réalité montréalaise mais très peu documenté à l'heure actuelle. Notons seulement quelques réflexions provenant du mémoire présenté au groupe de travail pour les jeunes. " Chez les membres des communautés culturelles, la notion de vie privée, les rôles homme-femme, les relations à l'autorité sont vécues autrement. Les changements des relations au sein de la famille ne s'articulent pas facilement entre le nouveau contexte social et culturel et les valeurs traditionnelles, il y a souvent crise " (14). En ce qui concerne les parents des enfants signalés aux Centres Jeunesses, on précise dans une étude portant sur la clientèle multi-ethnique des centres de réadaptation que " Plus de jeunes de ces groupes (Haïtiens, Noirs anglophones, Latinos-Américains) sont seuls et abandonnés sans liens familiaux et sociaux dans leur milieu d'origine; ces ruptures sont souvent associées à la séparation parents/enfant au moment de l'immigration de leurs parents ". " Les conflits culturels et intergénérationnels avec les parents sont aggravés dans la situation d'intégration à une société nouvelle, où les difficultés quotidiennes de la survie de la famille sont moins souvent partagées par la famille élargie plus dispersée (ce qui ne serait pas le cas dans leur famille d'origine)" (15). Enfin, dans un des mémoires présentés au groupe de travail pour les jeunes, on souligne que: " Souvent, des parents membres des communautés culturelles n'admettent pas qu'ils font usage abusif des " corrections ", des " châtiments corporels ": ils punissent selon leur mode culturel. La notion de " mauvais traitements " est interprétée différemment par eux. Et on précise: "L'intérêt pour l'enfant et son développement, les méthodes et les pratiques appliquées dans l'éducation familiale des enfants, la transmission des valeurs, toutes ces méthodes, ces pratiques et l'éthique qui les guide sont des notions variables, équivoques et relatives. Elles diffèrent d'une culture à l'autre" (14) Notes et références: (1) Les données des services de protection présentées ici ont été préparées pour la Direction de la santé publique par Robert Granger des Centres jeunesses de Montréal. (2) On peut ainsi estimer que 12% des signalements retenus concernait des enfants déjà signalés. (3) On peut ainsi estimer que 12% des signalements retenus concernait des jeunes déjà signalés. (4) Les articles retenus pour la négligence sont les suivants: 38b, 38c, 38d et 38e. (5) L'article retenu pour l'abus physique est le 38 gp. (6) L'article retenu pour l'abus sexuel est le 38 gs. (7) L'article retenu pour l'abandon est le 38 a. (8) Bouchard, C., Tessier, R., Conduites à caractère violent à l'endroit des enfants, Conduites à caractère violent dans la résolution de conflits entre proches. Monographie numéro 2. Enquête sociale et de santé 1992-1993. Montréal, Santé Québec et le ministère de la Santé et des Services sociaux, gouvernement du Québec, 1996. (9) Direction des affaires policières du ministère de la sécurité publique ,Statistique 1994, Criminalité et application des règlements de la circulation au Québec. Ministère de la Sécurité publique, 1995. (10) Il s'agit de voies de fait de niveau 3 et comprend quiconque blesse, mutile ou défigure le plaignant ou met sa vie en danger. (11) Jaffe, P.G., Wolfe, D.A., Wilson, S.K., Children of battered women. Developmental Clinical Psychology and Psychiatry, 21. Newbury Park. Sage Publications. 1990. (12) Mayer-Renaud, M., Les enfants négligés sur le territoire du CSSMM. Vol. 1 : Les manifestations de négligence et leurs chevauchements. CSSMM. 1990. (13) Johnson, H., Les enfants et les jeunes victimes de crimes de violence, Juristat, vol 15, no. 15, Centre canadien de la statistique juridique. Statistique Canada. (14) Alavo, Y., La situation, les réalités et les actions préventives relatives aux jeunes des communautés culturelles et des minorités visibles. Mémoire présenté au Groupe de travail pour les jeunes du ministre de la Santé et des Services sociaux. Camil Bouchard. Conseil des communautés culturelles et de l'immigration, juin 1991. (15) Messier, C., Toupin, J. La clientèle multiethnique des centres de réadaptation pour les jeunes en difficulté. Résumé. Commission de protection des droits de la jeunesse, 1994. Personnes ressources Danielle Guay et Hélène Riberdy Direction de la santé publique Robert Granger, Manon Fontaine, Geneviève Turcotte et Micheline Mayer-Renaud Centres jeunesse de Montréal-Centre Le 17 mars 1997. Index par sujet Direction de la santé publique de Montréal-Centre http://www.santepub-mtl.qc.ca/Priorites/jeunes/statlist.html |
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Par Jean-Marie Tremblay, sociologue