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La sociologie, objet d'études et perspective d'analyse

BAILLARGEON (Normand), «Pierre Ansart: Le vocabulaire de la sociologie. L’auteur français entretient depuis 20 ans des liens privilégiés avec le Québec» in Le Devoir, Montréal, mardi le 14 octobre 1997, page B 1

Pour les étudiants actuels en sociologie, Pierre Ansart est l'auteur de remarquables travaux présentant des synthèses claires et instruites de l'état de la recherche et de la réflexion dans leur discipline. Pour ses confrères, il est un sociologue respecté et un analyste lucide des transformations actuelles de la société. Pour des générations d'étudiants, il a été un enseignant passionné et exigeant, capable d'initier à la pensée des grands maîtres et les incitant à développer la leur. Pour bien des Québécois, dans les milieux aussi divers que l'éducation et la muséologie, il est un ami, un interlocuteur et un collaborateur estimé.

Ansart racontera volontiers qu'il a d'abord été un lecteur attentif de Pierre Joseph Proudhon, ce précurseur de la sociologie française qui est aussi un des fondateurs de l'anarchisme. Par ses travaux Ansart devait jouer un rôle de tout premier plan dans la rénovation des études proudhonniennes.

À cette époque, raconte-t-il —nous sommes à la fin des années 40—, Marx est une référence centrale et incontournable tant dans la vie intellectuelle que dans la vie politique françaises. Débats, enjeux, pratiques tendent à se positionner par rapport à lui et au parti. La vindicte d'autrefois de Marx contre Proudhon, de même que celle des intellectuels du jour, tout cela frappe le jeune étudiant.

Champagne (Patrick), «Une science pas comme les autres ?», in La sociologie. Collection «Les Essentiels Milan». Les Éditions Milan 1998, 64 pages.

La sociologie est une discipline qui, de nos jours apparemment, est reconnue comme une science à part entière.

Née au XIXe siècle, cette science des faits sociaux s'est parfaitement intégrée au fonctionnement des sociétés modernes. Ses concepts et ses analyses sont, en effet, très largement diffusés en dehors du seul milieu de ses spécialistes.

Aujourd'hui, hommes politiques, journalistes, commentateurs et essayistes proposent au grand public leurs propres explications des «phénomènes sociaux», ou font appel aux sociologues en tant qu'experts. Ainsi le titre de «sociologue» est, signe des temps, parfois revendiqué de façon abusive.

Mais dans les faits, la sociologie n'est toujours pas une science tout à fait comme les autres, bien qu'elle existe comme discipline établie depuis plus d'un siècle et bien qu'elle ait grandement fait progresser la connaissance que les sociétés peuvent avoir d'elles-mêmes.

En fait, tout se passe encore comme si elle devait, malgré tout, faire sans cesse la preuve de son droit à exister comme une science comme les autres.

S'il en est ainsi, c'est en grande partie parce que la sociologie est une science qui dérange. Soit parce qu'elle semble déposséder les individus de leur libre arbitre et de leur droit à dire «leur vérité» sur le monde social en imposant une vision scientifique. Soit parce que, à l'inverse, en révélant des vérités cachées sur le fonctionnement des sociétés, cette discipline dévoilerait des choses et menacerait par là même l'ordre social.

Cet ouvrage voudrait introduire à une vraie découverte de ce qu'est l'approche sociologique.

Champagne (Patrick), La sociologie. Collection «Les Essentiels Milan». Les Éditions Milan 1998, 64 pages

La sociologie est l'approche nouvelle d'une société, industrielle, qui se veut plus consciente d'elle-même.

La sociologie est donc une science qui a pour objet l'étude du fonctionnement des sociétés. Elle a pour domaine les faits «sociaux», c'est-à-dire tout ce qui touche à la vie de l'homme en société. Si elle s'intéresse à l'homme, c'est donc en tant qu'il est nécessairement un être socialisé. En effet, chaque individu trouve à sa naissance des manières de penser, de sentir et de se comporter déjà formées, dont il n'est pas l'auteur et qu'il intériorise progressivement (ce que les spécialistes nomment processus de socialisation). Autrement dit, tout individu est socialement conditionné et acquiert, dans la prime enfance et au-delà, des manières d'être qui deviennent comme naturelles et quasi instinctives et qui lui permettent de s'intégrer à la société à laquelle il appartient. Signe de ce nouveau regard sur la société, la notion de culture prend un autre sens au XIXe siècle. Elle comprend tout ce qui est appris par les membres d'une société donnée: les connaissances, les croyances, l'art, la morale, le droit, les coutumes, etc.

Coulson (Margaret A.) et Riodell (Carol), «L'individu et la société», DEVENIR SOCIOLOGUE, Chapitre 2, pages 81 à 97. Collection « recherches et documents ». Traduit de l'Anglais. Les Éditions coopératives Albert Saint-Martin, 1981, 202 pages

«Pour beaucoup de personnes, il est difficile d'accepter les explications particulières à la sociologie, surtout celles qui sont basées sur l'influence des groupes et des organisations. Les étudiants ont souvent l'impression que cette méthode ne permet aucune conclusion définie; en outre, ils soulèvent deux autres arguments principaux. Premièrement, chaque individu étant différent, il est impossible d'expliquer son comportement en fonction d'un groupe. Plus loin, nous allons tenter de démontrer qu'il s'agit là d'un sophisme. Deuxièmement, l'explication sociologique serait contraire à la doctrine du libre arbitre; nous sommes sensibles à cet argument, mais pas du tout dans le sens religieux dans lequel on l'emploie couramment. Avant d'analyser ces arguments, il faudrait voir si dans le processus de socialisation des étudiants en sociologie, il n'y aurait pas des facteurs qui les incitent à adopter ces opinions reflétant des idéologies ou des justifications personnelles, plutôt que des raisonnements. Le problème peut se poser ainsi : quels sont les éléments qui agissent sur les étudiants qui veulent se consacrer à l'étude de la sociologie ?

«Dans nos sociétés, basées sur des rapports de propriété privée capitaliste, on met l'accent sur l'individualisme sous tous ses aspects: compétition, réussite ou responsabilité, ce qui est beaucoup moins marqué dans d'autres sociétés, par exemple, sous le régime féodal, ou bien dans les groupes économiquement sous-développés que les anthropologues étudient. Cette caractéristique a été soulignée, d'une façon ou d'une autre, par des sociologues sérieux dans le passé. Ainsi, Max Weber affirme que le capitalisme n'aurait pas pu se développer sans une éthique individualiste (Weber, 1977; Tawney, 1969). De nos jours, le credo de ceux qui influencent de vastes secteurs de l'information et de l'opinion politique (rédacteurs ou autres) c'est que le succès équivaut à une réalisation individuelle. Pour les étudiants qui abordent la sociologie, tout le système d'éducation a été une école pratique d'idéologie individualiste. Par exemple, la coopération entre étudiants est considérée comme une « fraude », et interdite. Les élèves dans les classes sont évalués selon leurs succès dans différentes matières et comparés aux autres. De nouvelles tendances, il est vrai, luttent contre cet individualisme, qui n'a pas su, historiquement, assurer une protection aux travailleurs, dans une société basée sur la propriété privée. Au contraire, c'est grâce à une action collective qu'ils ont réalisé tous leurs gains en salaires et conditions de travail, au niveau économique ou politique. Isolés, ils sont impuissants. Il n'est donc pas étonnant que des jeunes du milieu ouvrier aient de grands problèmes d'adaptation au système traditionnel d'éducation, surtout aux niveaux supérieurs, ainsi que l'a montré une étude consacrée à ce groupe de jeunes (Jackson et Marsden, 1969). Pour réussir dans le système d'éducation, les étudiants doivent accepter la compétition sur une base individuelle. Donc, ce que les sociologues disent au sujet de l'importance des groupes semble contredire leur propre expérience du succès. On affirme souvent que les gens sont naturellement» compétitifs, ou « naturellement » égoïstes, bien qu'il soit facile de montrer, par des exemples tirés de l'anthropologie, que le degré d'égoïsme ou d'émulation chez les individus dépend de l'organisation de la société dont ils sont membres. La défense de l'individualisme est très souvent liée à la dénonciation du communisme, ou à des arguments à l'effet qu'il est impossible d'établir une société «sans classes». On a l'impression que les étudiants tentent ainsi de justifier « leur » société et « leur » mode de vie; et c'est vrai, d'une certaine manière.

« Tous les individus sont différents » ou « tous les individus sont uniques », donc, on ne peut pas les expliquer sociologiquement. Examinons cet argument couramment invoqué contre l'explication sociologique. Ce raisonnement, poussé à sa conclusion logique, signifierait qu'il est impossible de prédire le comportement de qui que ce soit. Pourtant, en entrant dans un café, on s'attend à y trouver quelqu'un qui prépare les aliments, et quelqu'un qui les sert. Si les gens, même en tant qu'individus n'avaient pas, de temps à autre, un comportement correspondant à ce qu'on attend d'eux, la vie en société serait impossible. C'est essentiellement le même énoncé que font les sociologues, sauf qu'ils l'appliquent souvent à des groupes de population plus larges, ce qui rend moins évidents les rapports entre les groupes et les comportements. La situation qui nous semble normale dans un café, c'est que des gens nous servent à manger, et nous n'avons pas à y réfléchir. Par contre, si - comme Durkheim l'a montré - on dit que les divorcés protestants mâles sont plus suicidaires que d'autres, il faut, pour le prouver, de longues explications.

Dantier, Bernard (sociologue français), “ La chose sociologique et sa représentation : Introduction aux règles de la méthode sociologique d’Émile Durkheim ” (Janvier 2003)

Durand (Jean-Pierre) et Weil (Robert), «
À quoi sert la sociologie ?» in Sociologie contemporaine. Chapitre 29 «À quoi sert la sociologie ?», pp. 595 à 611. Collection Essentiel. Paris: Éditions Vigot, 1989, 644 pages.

Cette question, lancinante, occupe en permanence les sociologues, leurs employeurs ou les planificateurs des cursus et diplômes de l'enseignement supérieur initial et professionnel. Car derrière cette interrogation se pose celle de l'objet de la sociologie, de ses méthodes, de ses contenus et de ses fonctions. Il y a donc une multitude de réponses possibles.

Quelles sont les pratiques et usages de la sociologie en entreprise ou dans le secteur sur lequel vous travaillez ? Autrement dit, que fait le sociologue dans l'institution que vous représentez ? Peut-on maintenant savoir ce que font les sociologues dans une grande firme publicitaire ? Que faites-vous pour être vas comme sociologues ? Et par ailleurs ne s'adresse-t- on pas à vous lorsqu'il s'agit d'un champ indéterminé (ni psychologique, ni économique...) et complexe ? Enfin, vous demande-t-on d'anticiper des comportements, d'avancer des prédictions, selon le vocabulaire de certains sociologues ? Comment appréciez-vous l'évolution de l'analyse de la dynamique des rapports sociaux depuis deux décennies ? Comment concevez-vous la formation des sociologues en fonction des besoins de votre secteur d'intervention ? Et quels sont les débouchés que vous apercevez ?

Durand (Jean-Pierre) et Weil (Robert), «
La démarche sociologique» in Sociologie contemporaine. Chapitre 13 «La démarche sociologique», pp. 291 à 303. Collection Essentiel. Paris: Éditions Vigot, 1989, 644 pages..

Il n'est pas toujours aisé de faire la distinction entre méthode et technique. Traditionnellement on tend à séparer la méthode comme ensemble intégré de procédures visant à produire la vérité scientifique—on parle ainsi de la méthode expérimentale— et les ; 2) Le caractère construit de l'objet sociologique; 3) La multiplicité des démarches sociologiques.

Émile Durkheim.

« La sociologie et son domaine scientifique. » (1900). Version française d'un article publié en italien, « La sociologia e il suo domino scientifico » in Rivista italiana di sociologia, 4, 1900, pp 127-148. Réimpression dans Émile Durkheim, Textes. 1. Éléments d'une théorie sociale, pp. 13 à 36. Collection Le sens commun. Paris: Éditions de Minuit, 1975, 512 pages.

« La sociologie. » (1915). Extrait de La Science française, Larousse et Ministère de l'Instruction publique et des Beaux-Arts, vol. 1, 1915, pp. 5 à 14. Réimpression dans Émile Durkheim, Textes. 1. Éléments d'une théorie sociale, pp. 109 à 118. Collection Le sens commun. Paris: Éditions de Minuit, 1975, 512 pages.

Paul Fauconnet et Marcel Mauss [(1872-1950), sociologue et neveu d'Émile Durkheim], « La sociologie, objet et méthode » (1901)

Giner (Salvator),
«La nature de la Sociologie», in Salvator Giner, Initiation à l’intelligence sociologique, Chapitre premier «Nature de la sociologie», pages 13 à 28. Collection Regards. Toulouse, Privat, Éditeur, 1992.

«La sociologie est une des sciences sociales. Son objet primordial est la société humaine et, plus concrètement, les diverses collectivités que forment les hommes. Comme tout autre vivant, l’homme ne peut exister que s'il est immergé dans sa propre espèce, s'il est dedans et vit à travers elle. Toutefois, les disciplines qui étudient l'homme, abstraction faite de sa dimension sociale, sont diverses, et elles centrent leur attention sur son anatomie, sa physiologie, ou sur la structure de son esprit. Face à elles, la sociologie apparaît comme cette branche de la connaissance dont l'objet est la dimension sociale de l'humain, le niveau de réalité en rapport avec sa sociabilité innée. Son objet est l'être humain en tant qu'animal social.

«Pourtant, nous ne l'aurions pas ainsi définie de façon plus satisfaisante. D'ores et déjà, nous constatons que toutes les sciences sociales prennent comme point de départ l'étude de l’homme comme être social, c'est-à-dire les collectivités, bien que, évidemment, chacune mette l'accent de façon différente sur les divers aspects de ces collectivités. Ainsi l'économie recherche les processus de production, troc, échange et consommation des biens et des services, en vertu desquels, une société donnée subvient à certains types de nécessités. L'histoire décrit révolution et les transformations de la société à travers le temps. Les sciences politiques analysent la distribution, les échanges et les conflits de pouvoir à l'intérieur du monde social. Ce qui distingue la sociologie de ces branches du savoir social et des autres, c'est le fait qu'elle recherche les structures, les processus et la nature de la société humaine en général. Les autres sciences sociales étudient seulement des aspects partiels de la société. Ainsi, quand un économiste recherche le développement du capitalisme dans une société donnée, il concentre son attention sur certains processus de production - la formation du capital, la répartition des bénéfices, la fluctuation des salaires, etc. Si c'est le sociologue qui se penche sur le même thème, ce n'est pas à cela qu'il s'attachera, mais il déterminera les secteurs sociaux qui mettent en mouvement le type d'économie appelé capitaliste, la distribution du travail entre les divers participants lors du développement, les conflits professionnels surgissant de ce fait, les facteurs culturels entrant en jeu, et ainsi de suite

«Il y a donc, par rapport aux autres sciences sociales, une différence dans le degré de généralité, ainsi qu’une différenciation et de point de vue, mais il n'y a pas de différence substantielle. A la vérité, les résultats obtenus par chacune des sciences sociales sont complémentaires et indispensables les uns aux autres. Les distinctions d'une discipline à l'autre sont pertinentes, mais elles sont, tout au fond, de nature technique et il arrive que nous les soulignions à des fins heuristiques. Pour toutes ces raisons, il semble insensé d'affirmer une certaine supériorité de la sociologie face aux sciences voisines, comme l'eût fait naguère Auguste Comte. Cependant, du point de vue strictement logique, il convient de conclure que la sociologie embrasse une zone de réel plus vaste que d'autres sciences humaines. Ce point a donné lieu à quelques confusions qu'il sied d'éliminer dès l'abord.

«Ceux qui se penchent sur la sociologie pour la première fois sont d'ordinaire surpris par la grande variété des thèmes traités, et ils s'interrogent sur l'unité et la cohérence interne qu'elle permet. Mais l'unité de la sociologie lui vient de sa méthode de cadrage: la sociologie s'intéresse, comme nous l'avons dit, aux collectivités elles-mêmes, et non à tel ou tel de leurs aspects. Ainsi, la sociologie relie toujours des phénomènes qui appartiennent à différents niveaux de la vie sociale; la sociologie tente d'établir des rapports pertinents entre les phénomènes politiques et religieux, économiques et guerriers, artistiques et éthiques. Ainsi, par exemple, quand le sociologue se plonge dans l’étude de l'idéologie, c'est pour découvrir les conflits de classe qui l'engendrent, pour déterminer quel type de cohésion ils produisent au sein des groupes qui l'affichent, quelle réponse ils apportent à ceux contre lesquels elle est dirigée. S'il observe la morale sexuelle d’une communauté, le sociologue éclaircira les conflits qu'elle provoque entre les générations, les intérêts des groupes auxquels elle correspond. Si enfin l'objet de son étude est l'origine d'une nouvelle religion, le but du sociologue sera de déterminer la conduite de ses adeptes, leur nombre, la dynamique sociale de son expansion, son impact sur la vie économique.

«Dans tous ces cas, l’observateur de la société se place d'un point de vue d’interliaison, que l'on peut appeler aussi imagination sociologique, et qui constitue la clé de l'intelligence sociologique de la réalité humaine. Cette attitude nous permet de souligner à la fois l'unité et la diversité du monde social, l'interdépendance foncière de toutes les sphères de la réalité sociale. Ainsi pouvons-nous dire, avec Gabriel Le Bras, qu'en dépit de la diversité de leurs thèmes, toutes les branches de la sociologie ont un tronc commun, toutes ont un sujet commun: la société, les hommes vivant en société (...).

Inkeles (Alex), «La perspective sociologique», in Qu'est-ce que la sociologie? Une introduction à la discipline et à la profession. Chapitre 2 (pp. 21-33). Traduit de l'anglais. Scarborough, Ontario: Prentice-hall of Canada, Ltd.

«Dans ce texte, l'auteur remplit deux tâches: celle de clarifier les relations entre la sociologie et les autres sciences qui traitent de l'homme dans la société, et celle de présenter une définition plus précise de cette discipline.

«Nous avons déjà montré clairement que l'objet de la sociologie ne pouvait en soi définir le champ d'étude. Il est donc inutile de nous attarder davantage pour justifier nos efforts en vue d'aboutir à une définition plus précise des principaux aspects de l'analyse sociologique; les liens entre la sociologie et les autres disciplines constituent un autre problème. Les disciplines intellectuelles sont si variées et si complexes que le moindre effort visant à les caractériser fait automatiquement appel à un grand nombre d'images arbitraires, voire faussées. Si nous tentons d'établir une distinction entre les diverses branches d'études sociales, nous avons fatalement tendance à exagérer ce qui les différencie plutôt qu'à reconnaître ce qui les rapproche. Malgré ce gros risque, il est évident que nous devons offrir une carte du terrain, quelle qu'elle soit, à ceux qui veulent s'orienter dans le royaume complexe des sciences sociales. Les premières impressions du novice, inévitablement superficielles, peuvent se modifier à mesure que son champ d'orientation se précise et que sa compréhension des sciences sociales s'approfondit. Et il est important de se souvenir que les différences de perspective et d'application des diverses disciplines qui étudient l'homme dans la société sont souvent fondamentales et qu'elles existent depuis relativement longtemps.

Inkeles (Alex), «La sociologie en tant que profession», in Qu'est-ce que la sociologie? Une introduction à la discipline et à la profession. Chapitre huit (pages 125 à 138). Traduit de l'anglais. Scarborough, Ontario: Prentice-hall of Canada, ltd.

La sociologie est non seulement une discipline intellectuelle, elle est aussi une profession. Quand nous considérons une partie de la connaissance comme une discipline intellectuelle, nous pensons aux postulats sur lesquels les spécialistes basent leurs travaux, aux idées et aux courants de pensée qui les unissent ou les séparent, à leur façon caractéristique de raisonner ou d'argumenter ainsi qu'aux données étudiées et à la manière dont elles sont recueillies et analysées. Lorsque nous partons d'une profession, nous nous référons avant tout à l'utilisation ou aux applications de cet ensemble de connaissances: par exemple, enseigner ou guérir; aux conditions concrètes d'application de la discipline, en publie ou en privé, avec des groupes considérables ou avec un seul individu; au mode de vie de ceux qui la pratiquent: leurs relations avec leurs "clients", leurs collègues et la société dans son ensemble; la liberté ou l'autonomie dont ils jouissent, leur mode d'organisation, etc. La nature et la pratique d'une discipline déterminent le genre d'entreprise intellectuelle et le type de profession qui lui sont associés.

Inkeles (Alex), «Les méthodes de recherches en sociologie» in Qu'est-ce que la sociologie ? Une introduction à la discipline et à la profession. Chapitre sept (pp 109 à 124). Traduit de l'anglais. Scarborough, Ontario: Prentice-hall of Canada, ltd.

«Une fois de plus, ceux qui ne Sont pas initiés à la sociologie constateront qu'il y a de multiples façons de procéder en la matière et que les sociologues ne sont pas unanimes quant au choix d'un modèle d'analyse de la réalité sociale. Ils sont au contraire constamment engagés dans une polémique parfois passionnée. Leur désaccord porte non seulement sur les mérites respectifs des diverses techniques à utiliser, mais encore et avant tout sur des questions fondamentales, à savoir: La sociologie est-elle, et même, peut-elle devenir une science? Ses méthodes doivent-elles être celles d'une compréhension bienveillante ou celles d'une expérimentation contrôlée? Est-il préférable pour un sociologue de construire une théorie ou, si prosaïque cela soit-il, de ramasser des données empiriques ? La sociologie doit-elle être politiquement engagée ou rester dégagée de toute valeur? Les réponses que les sociologues apportent à ces questions influencent profondément la nature des recherches qu'ils entreprennent. Afin de bien saisir ce que les sociologues cherchent à accomplir et de comprendre les critiques dont ils sont parfois l'objet, il nous faut examiner les défis les plus importants posés à la recherche sociologique ainsi que les solutions proposées.

Lapassade (Georges) et Lourau (René), «Qui vend ?» in Clefs pour la sociologie. Chapitre 12 (pages 205 à 209). Collection Clefs, no 14. Paris: Éditions Seghers, 1971, 239 pages.

«Les recherches sur les groupes ont connu un regain de faveur aux U.S.A. au moment de la Seconde Guerre mondiale. Les deux premières vagues d'études sur ce sujet avaient coïncidé avec le passage de l'économie de guerre à l'économie de paix, au lendemain de la Première Guerre mondiale (Elton Mayo) et à la grande crise de 1929, laquelle avait failli mettre à mal le système impérialiste.

«La troisième vague d'études correspond à une demande sociale, à un besoin de la société en crise à la suite de la guerre. Plus exactement, c'est l'État, garant de la force armée, qui passe commande. Relayant l'industrie, l'armée confie à plusieurs équipes une enquête sur le moral des soldats -American Soldier, mine inépuisable de documents sur les groupes d'appartenance et de référence. Moins connue que le fameux Rapport Kinsey sur le comportement sexuel des Américains, American Soldier est tout aussi révélateur sur l'enquête sociologique à grande échelle. Parce que l'armée avait besoin de savoir comment les soldats réagissaient selon qu'ils étaient mariés ou célibataires, selon leur grade, selon leur ancienneté d'incorporation et en fonction d'un grand nombre d'autres variables, la théorie et la méthode sociologiques ont pu progresser dans les années d'après guerre.

«Des enquêtes extensives et coordonnées au plus haut niveau national existent en France depuis longtemps, mais seulement sur le plan statistique (I.N.S.E.E.). Sur le plan du travail sociologique proprement dit, il a fallu attendre la création récente de la Direction Générale à la Recherche Scientifique et Technique (D.G.R.S.T.) directement rattachée au premier ministre, pour que les recherches sociologiques soient prises en main par l'État sur une grande échelle.

Lapassade (Georges) et Lourau (René), «Qui achète ?» in Clefs pour la sociologie. Chapitre 13 (pages 210 à 225). Collection Clefs, no 14. Paris: Éditions Seghers, 1971, 239 pages.

«En psychologie, on a l'impression, vraie ou fausse, que ce sont des individus qui s'adressent au spécialiste. Cette impression est surtout forte en psychologie clinique. On va chez le psychologue pour suivre une thérapie. Ou bien les parents, ou l'instituteur, envoie l'enfant chez le (ou, assez souvent, la) psychologue. En sociologie, il n'en va pas de même. Jamais un individu en tant que tel ne s'adresse au sociologue pour lui demander d'analyser et éventuellement de traiter les problèmes qu'il éprouve en tant qu'être social. Ces problèmes d'adaptation, d'intégration, de communication, il les confie au psychologue. Le sociologue est donc chargé d'analyser et de traiter des collectivités. Et ce sont des collectivités - ou plus exactement les responsables de collectivités, qui lui en font la demande.

Ce dernier point est capital, mais doit être nuancé en ce qui concerne les groupes ou catégories de population dont le statut est considéré comme inférieur. Par exemple, le sociologue n'est pas demandé pour enquêter ou intervenir par les ghettos noirs ou portoricains des U.S.A. Il n'est pas davantage demandé par les groupes sociaux non-intégrés, tels les malfaiteurs, les clochards, les délinquants, les hippies. On n'a jamais vu un groupuscule avant-gardiste, qu'il soit littéraire, religieux, politique prier un sociologue de venir enquêter sur lui.

«À l'autre pôle des institutions, les institutions totalitaires, les plus structurées, les moins ouvertes, ne se livrent qu'exceptionnellement au regard du sociologue. Pour observer un hôpital psychiatrique, les premiers enquêteurs devaient simuler la folie, au même titre qu'un journaliste américain a dû transformer son visage, ses cheveux, sa peau, pour pouvoir observer de l'intérieur une communauté noire. Les couvents, les casernes, n'acceptent d'être observées à la rigueur que par des sociologues " maison ", envoyés par la hiérarchie. Quant aux camps de concentration, leurs responsables font planter un faux décor lorsqu'ils ne peuvent pas empêcher une visite de la Croix-Rouge. Inutile de préciser que jamais un sociologue n'a pu y entrer, si ce n'est à titre de déporté, comme ce fut le cas de Maurice Halbwachs, disciple de Durkheim, mort en déportation pendant la Seconde Guerre mondiale.

Lapassade (Georges) et Lourau (René), «L'État-sociologue» in Clefs pour la sociologie. Chapitre 14 (pages 226 à 235). Collection Clefs, no 14. Paris: Éditions Seghers, 1971, 239 pages.

On a pu constater que l'État est omniprésent dans la recherche sociologique. Il est à la fois le plus important commanditaire et le plus gros client. Il régule ou dirige la plupart des organismes qui vendent comme la plupart de ceux qui achètent de la sociologie. On retrouve donc la vieille conception de la science sociale en tant que science de l'État (la statistique) : nous voici revenus à notre point de départ. Dans l'histoire des sciences sociales, on a noté, en effet, que le souci de contrôler les mouvements démographiques, la production et la reproduction de la force de travail, la marginalisation d'une partie de la société sous l'effet de l'anarchie économique, était à l'origine des premières recherches statistiques.

Leblanc (Gérald), «À l'écoute des penseurs. Fernand Dumont, sociologue chrétien et nationaliste» in LA PRESSE, Montréal, 31 décembre 1993, page B - 1.

«J’ai donc choisi la sociologie, un carrefour qui m’a permis de cerner la place des sciences humaines», explique 1e vétéran qui enseigne à l’université Laval de Québec, depuis près de 40 ans. Expert de la culture et des idéologies, Fernand Dumond, sociologue etphilosophe, n’a jamais caché son indéfectible attachement au christianisme et au pays du Québec.

«Ces deux passions l’ont amené à de brefs passages de l’autre côté de la clôture: au début des années 70, il présida une commission sur la place des laïcs dans l’Église du Québec et, à la fin des années 70, il accepta de préparer, avec Guy Rocher, le livre blanc qui devait donner naissance à la Loi 101.

WALLERSTEIN, Immanuel, sociologue, ex-prés., Ass. inter. de socio. (AIS), Dir. du centre Fernand Brauder Center, prof. Yale University.

L’héritage de la sociologie, la promesse de la science sociale ”, (1998) in revue Cahiers de recherche sociologique, no 31, 1998, pp 9 à 52. Montréal: Département de sociologie, UQAM. [Fernand Braudel Center, Binghamton University, Président de l'Association internationale de sociologie (AIS)] Conférence présidentielle, XIVe Congrès mondial de sociologie, Montréal, 26 juillet 1998. Traduction par Sylvie Lafrenière, doctorat en sociologie, Université du Québec à Montréal.

Les sciences sociales battent de l'aile. Quel phénix en renaîtra ? Perspectives théoriques. ”, (1995) in revue Cahiers de recherche sociologique, no 24, 1995, pp 209 à 222. Montréal: Département de sociologie, UQAM. [Directeur d'études associé, École des hautes études en sciences sociales (Paris), Président de l'Association internationale de sociologie (AIS)].

Le futur des sciences sociales ”. Conférence de E. Wallerstein à la Société géographique de la Tyne, Université de Newcastle, 22 février 1996.

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Dernière mise à jour de cette page le Vendredi 16 janvier 2009 07:13
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue