6- Les jeunes et la santé
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- Dubois (Lise), "La santé et lavenir", in ouvrage sous la direction de Madeleine Gauthier, Léon Bernier, Francine Bédard-Hô, Lise Dubois, Jean-Louis Paré, André Roberge, Les 15-19 ans. Quel présent ? Quel avenir ? Chapitre 5, pages 115 à 136. Montréal : Institut québécois de recherche sur la culture, 1997, 252 pages
«L'espérance de vie est tributaire de lenfance, tout comme la position sociale est déterminée tôt dans la vie (Marmot, 1994: 2 10). Ainsi, l'emploi d'un adulte dépend en partie de son vécu à l'adolescence, cette période importante de la vie où se produisent, en peu de temps, de multiples transformations physiologiques, psychologiques et sociales. Nous pensons que les modes de vie des adolescents sont reliés à la santé de deux façons distinctes. Tout d'abord, ils peuvent affecter la santé immédiate, par exemple dans le cas des pratiques sexuelles et des maladies transmises sexuellement (MTS). Ils peuvent aussi affecter la santé future, entre autres lorsqu'une première cigarette entraîne une dépendance qui provoquera peut-être un cancer du pou-mon à l'âge adulte. Mais ces modes de vie qu'on sait étroitement liés à la position sociale (par exemple, on fume moins à mesure que l'on monte dans l'échelle sociale) ne seraient-ils pas eux-mêmes déterminants pour la position sociale future?
«Les dimensions sociales de la santé nous intéressent car les différents groupes d'âge d'une même population n'ont pas bénéficié d'un allongement d'espérance de vie équivalent au fil des ans. Il a pu sembler, un temps, que ces inégalités ne touchaient que les plus démunis de la société et qu'une cer-taine équité permettait d'égaliser les chances dans les classes moyennes et supérieures (Frank et Mustard, 1994: 8). Mais on sait aujourd'hui que la santé et l'espérance de vie s'améliorent à mesure que l'on monte dans l'échelle sociale (Blaxter, 1990: 6), et ce, de façon graduelle, sauf en très bas âge et en fin de vie (Townsend et Davidson, 1982: 20). C'est la position relative de l'individu par rapport aux autres dans la société, et non son revenu réel, qui, à l'âge adulte, serait importante pour sa santé (Marmot, 1994: 211). Ces inéga-li-tés se reflètent aussi chez les enfants au fil de l'évolution des sociétés (Townsend et Davidson, 1982: 70).
Gauthier, Madeleine, "La recomposition des croyances et des valeurs", in ouvrage de Madeleine Gauthier, Léon Bernier, Francine Bédard-Hô, Lise Dubois, Jean-Louis Paré, André Roberge, Les 15-19 ans. Quel présent ? Quel avenir ? Chapitre 6 (pp, 137 à 156). Montréal : Institut québécois de recherche sur la culture, 1997, 252 pages
«L'expérience religieuse et l'univers des valeurs morales se sont profondé-ment transformés au cours des dernières décennies. Les expressions con-tem-poraines de ces phénomènes ont cependant des racines profondes qui trouvent écho dans l'histoire religieuse et l'histoire sociale du Québec au XXe siècle. L'attitude moderne à l'égard de la religion et des valeurs, moderne en ce qu'elle fait référence à la raison et quelle privilégie la liberté individuelle d'adhésion et de choix, se reconnaissait dans des enquêtes effectuées au cours des années 1960 et au début des années 1970 (Rioux et Sévigny, 1965; Sévigny, 1966, 1971). Si la pratique religieuse était alors encore passablement florissante, les réponses à des questionnaires administrés à des jeunes à l'époque laissaient voir la brèche par laquelle s'infiltraient progressivement les valeurs nouvelles et leur répercussion sur l'orientation de la vie morale. Il n'y a qu'à mentionner la recherche d'authenticité dans l'engagement religieux, qui devait se traduire par une adhésion personnelle et critique aux croyances et aux pratiques, la promotion de la responsabilité de l'individu dans son com-por-te-ment moral et le scepticisme face aux dogmes et à l'Église catholique. Les jeunes répondants aux enquêtes de 1960 appartiennent aujourd'hui à la cohorte des parents de ceux que l'on nomme "jeunes" à leur tour. Qu'ont-ils transmis de ces valeurs et de leurs croyances à leurs enfants et qu'est-ce que ces derniers en ont retenu?
«Quelques enquêtes récentes renseignent sur le rapport qu'entretiennent les quinze à dix-neuf ans d'aujourd'hui avec la religion et quelles valeurs ils privilégient. Il faut entendre par "rapport" à la religion tout autant celui à une tradition religieuse, à l'institution qui la porte et la véhicule, que, d'une façon plus large, celui à un système de valeurs porteur de sens ou qui transcende la condition humaine. L'univers des valeurs peut s'enraciner dans une tradition religieuse, mais pas nécessairement. Il réfère à la représentation que l'on se fait de la vie, du monde et de la relation à autrui, représentation qui guide l'agir quotidien dans les décisions à prendre. On nommera morale, le code de conduite qui découlera de ce système fait de croyances, -de réflexions sur la vie, de consensus dans les rapports avec les autres et de conduites issues de l'héritage culturel.
«Les études concernant l'expérience religieuse et le monde des valeurs n'ont pas été nombreuses depuis celles dont il a été question à propos des années 1960. Un silence s'est imposé autour de la religion comme unique code de la vie quotidienne. On sort à peine de ce Silence, en particulier chez les cher-cheurs. Bien entendu, des sondages sont venus périodiquement rappeler les principales valeurs auxquelles les jeunes se rattachent, sans référence toutefois à un système religieux, spirituel ou intellectuel qui les sous-tendrait. Une étude effectuée par questionnaire par le ministère de l'Éducation auprès de jeunes de douze à dix-sept ans (Cadrin-Pelletier et Nadeau, 1992), deux autres par entrevues auprès d'étudiants de cégep (Gignac et al, 1992; Côté, 1992) ont voulu combler cette lacune. Elles serviront de matériaux de base à notre incursion dans la vie morale et spirituelle des jeunes. Il sera aussi tenu compte de l'enquête de l'équipe de Jacques Grand'Maison dans le diocèse de Saint-Jérôme (1992), surtout de sa partie qui porte sur le même groupe d'âge. La référence aux enquêtes effectuées par Rioux et Sévigny permettra de mesurer la distance entre les générations dans la manière de composer des jeunes avec ce qui leur a été transmis confrontés qu'ils sont à l'éclatement des systèmes de sens et de valeurs.
Guyon (Louise), avec la collaboration de Claire Robitaille, May Clarkson et Claudette Lavallée, "Les jeunes femmes", in Derrière les apparences. Santé et conditions de vie des femmes. Chapitre 11, pp. 181 à 202. Québec, Gouvernement du Québec, Ministère de la santé et des services sociaux, novembre 1996, 384 pages.
«La littérature scientifique sur les adolescentes est abondante, mais beaucoup plus spécifique que globale, en ce sens que les études portent sur des aspects très précis, comme la contraception, l'image corporelle, les maladies transmissibles sexuellement (MTS), le tabagisme ou la détresse psychologique. Par contre, la situation des jeunes femmes est moins documentée et cela est probablement dû au fait qu'il s'agit d'un groupe moins défini; dans certaines études, elles sont comprises avec les adolescentes, alors que d'autres les incluent dans une catégorie plus large (par exemple les femmes de 20 à 44 ans). Il sera ici question des femmes âgées de 15 à 24 ans et, comme ce groupe comporte à la fois des adolescentes et des jeunes adultes, les données seront présentées en séparant les 15-19 ans et les 20-24 ans. Afin de bien démarquer les particularités des jeunes, des comparaisons seront établies avec les femmes de 25 ans et plus.
«Les adolescentes et les jeunes femmes se disent généralement en bonne santé physique; par contre, elles manifestent plus de problèmes d'ordre psychologique que leurs aînées. Elles sont également à une période de leur vie où elles adoptent des attitudes et des comportements qui auront des effets à long terme sur leur santé. C'est pourquoi trois problématiques sont abordées dans ce chapitre: les habitudes de vie à partir de l'usage du tabac, de la consommation d'alcool et du poids corporel, les attitudes et les comportements face aux MTS et au sida et, finalement, la santé psychologique.
Paré (Jean-Louis), "Le temps des loisirs" in ouvrage de Madeleine Gauthier, Léon Bernier, Francine Bédard-Hô, Lise Dubois, Jean-Louis Paré, André Roberge, Les 15-19 ans. Quel présent ? Quel avenir ? Chapitre 3, pages 65 à 87. Montréal : Institut québécois de recherche sur la culture, 1997, 252 pages
- «Dans un ouvrage faisant le point des connaissances empiriques sur les jeunes de quinze à dix-neuf ans, insérer un chapitre traitant de loisir à côté d'autres sur des sujets aussi sérieux que la santé, les études, le travail, les relations sociales, les choix et valeurs, constitue une grande première au Québec. De notre point de vue aussi, la place du loisir dans la vie des jeunes est, évidemment, très importante: le loisir n'est pas que distraction ou repos momentané. Il sert à tester leurs choix, découvrir et conserver leurs amis, préciser leur identité, affirmer leur appartenance, et le reste. Sous des formes extérieures très changeantes, leur loisir semble maintenir des fonctions fondamentales et conserver son importance même dans le nouveau contexte de précarité (Paré, 1994c; Conseil permanent de la jeunesse, 1995). C'est ce que ce texte démontre en premier lieu.
«Mais le loisir tel que nous l'abordons ne se limite pas à une nomenclature d'activités. Il est aussi traité sous l'angle du temps qu'on lui accorde, des sommes qu'on lui consacre, de sa signification, de son insertion dans un cadre et un style de vie. Il est donc d'abord considéré en lui-même mais aussi en relation avec le travail scolaire, le travail rémunéré, la vie quotidienne et les rôles sociaux de la jeunesse. L'approche théorique adoptée ici se situe dans la lignée des recherches actuelles en loisir (Paré, 1994a, 1994b, 1987), pour ce qu'elle peut éclairer ou révéler en elle-même de la vie des jeunes sous cette dimension, mais aussi en révéler d'autres : études, travail, santé, et le reste. La place très importante que le loisir reçoit au niveau du vécu des jeunes, se double donc d'une fonction cognitive, révélatrice des significations et valeurs de l'ensemble de leur vie, le loisir servant souvent pour ainsi dire de repoussoir aux autres dimensions. Tel est, en second lieu, le défi de ce texte.
«Notre traitement s'ajuste évidemment aux possibilités des données empiri-ques existantes. Pour les étudiants du secondaire, nous sommes en mesure de dégager les tendances générales de six recherches représentatives de l'ensemble de cette population pour le Québec. Pour ceux du cégep, les enquêtes sont locales ou ponctuelles. Pour le milieu extrascolaire, nous sommes confinés à différents coups de sonde auprès des sortants du cégep, auprès des décrocheurs du secondaire, auprès des étudiants en alphabé-tisation. L'ensemble de ce matériel, intégré autant que faire se peut, nous permettra de procéder de façon plus analytique et de présenter le loisir des jeunes en sept volets: le temps accordé au loisir dans leur vie; les dépenses de loisir; les activités de loisir pratiquées; leurs cadres sociaux et leurs lieux de loisir; le parascolaire et le bénévolat chez les jeunes; enfin, loisir et sociabilité ou loisir et recherche de qualité de vie chez eux. Et chaque fois que des données d'enquête le permettront, nous ferons ressortir les différences entre les garçons et les filles, entre les étudiants du secondaire et ceux du collégial, et entre les jeunes de différentes origines ethniques.
Dernière mise à jour de cette page le Samedi 24 janvier 2004 16:27
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue