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A) Classes et stratification sociale (théorie)
B) Classes et stratification sociale au Québec

A- Classes et stratification sociale

ARON (Raymond) (1957), LA LUTTE DES CLASSES. NOUVELLES LEÇONS SUR LA SOCIÉTÉ INDUSTRIELLE. Collection IDÉES nrf, no 47. Paris: Éditions Gallimard, 1967, 379 pages.

BEAUD (Michel), HISTOIRE DU CAPITALISME, 1500-1980. Paris: Éditions du Seuil, 1981, 335 pages.

Fichter (Joseph-H.) (1957), "La mobilité" in La sociologie. Notions de base. Chapitre XIV (pages 194 à 206). Traduit de l'Anglais. Paris: Éditions universitaires, 1965, 264 pages.

"La mobilité est un phénomène social qui attire de plus en plus l'attention aussi bien des observateurs scientifiques que des autres dans le monde moderne. Dans son interprétation la plus générale, la " mobilité " se rapporte à tout déplacement, à toute migration humaine dans le temps, dans l'espace ou dans une structure sociale. Le mot n'est cependant pas utilisé par les sociologues pour désigner un mouvement social qui apparaît comme une agitation concertée, continuelle, organisée par un groupe avec un programme orienté vers des buts sociaux. Un mouvement de masse, un mouvement pour la réforme sociale n'est pas compris sous l'enseigne de la mobilité, ni physique ni sociale.

"Il est évident que toute mobilité doit se produire dans le temps et l'espace, mais il y a une différence entre la mobilité physique et la mobilité sociale. Cette dernière se réfère à un changement de statut social pour une personne ou un groupe. Nous avons déjà examiné le statut et la stratification et nous savons que les positions sur l'échelle sociale sont plus hautes ou plus basses les unes par rapport aux autres. Le mouvement ascendant ou descendant parmi ces positions est appelé la mobilité sociale.

"La mobilité physique est habituellement appelée migration. C'est le mouvement des hommes d'un point géographique à un autre; la fréquence de ce phénomène augmente dans la société moderne. Il comprend le déplacement forcé de vastes groupes humains, l'éviction et la dépossession des indésirables, la migration permanente volontaire d'un pays à un autre ou d'une région à une autre dans le même pays, aussi bien que le changement local de résidence. La mobilité physique comprend aussi l'espèce de fluidité que manifestent par exemple ceux qui font la " navette " entre le foyer familial et le bureau ou l'usine, qui font des déplacements d'affaires, qui prennent des vacances.

Forsé (Michel), "
Les classes sociales" in ANALYSES DU CHANGEMENT SOCIAL. Chapitre 4 (pages 20 à 28). Paris: Éditions du Seuil, 1998, 64 pages.

"Karl Marx (1818-1883) n'est ni le premier ni le seul auteur à considérer que les sociétés industrielles sont divisées en classes sociales, mais il se démarque par le rôle fondamental qu'il attribue à leurs conflits pour expliquer le changement social.

Forsé (Michel), "
La mobilité sociale" in ANALYSES DU CHANGEMENT SOCIAL. Chapitre 7 (pages 41 à 45). Paris: Éditions du Seuil, 1998, 64 pages.

"Les évolutions de la répartition des emplois résumées au chapitre précédent incitent à penser que la société française a connu depuis 1960 une importante mobilité sociale due aux transformations de l'appareil productif. On peut toutefois se demander si une mobilité nette de ces évolutions de structures s'est produite. Notions de mobilité intragénérationnelle (ou professionnelle) et intergénérationnelle.

Forsé (Michel), "
La stratification sociale" in ANALYSES DU CHANGEMENT SOCIAL. Chapitre 6 (pages 35 à 40). Paris: Éditions du Seuil, 1998, 64 pages.

"La position sur une échelle de stratification sociale correspond à ce que les Anglo-Saxons nomment status, dont l'idée n'est qu'imparfaitement rendue par le terme français de " statut ". Au sens courant, un statut, comme celui de fonctionnaire, désigne l'ensemble des droits et devoirs juridiquement associés à une position. Au sens anglo-saxon, le statut désigne d'abord la position de fait sur une échelle, position à laquelle peuvent correspondre des droits et des devoirs mais qui ne sont pas nécessairement reconnus juridiquement. La distinction se fait bien sentir en comparant les expressions " statut des fonctionnaires " et " statut ouvrier ". Bien sûr les deux ne s'excluent pas. Par exemple, les médecins occupent une certaine place dans la hiérarchie des professions, mais ils sont également soumis à différentes contraintes (notamment l'obligation de moyen pour parvenir au meilleur résultat curatif) et disposent de droits (comme celui de commettre une erreur de diagnostic) vis-à-vis de leurs patients.

"Rendre effectif ce qui est, en fait ou en droit, conforme à un statut consiste à jouer un rôle, puisque cela revient à répondre aux attentes des autres (ce qui est la définition sociologique d'un rôle). Le rôle est l'aspect dynamique du statut.

"Le terme de strate évoque, comme en géologie, l'idée d'une superposition de couches. Ici les individus n'appartiennent pas à des classes en quelque sorte coupées les unes des autres et entretenant des rapports conflictuels, mais se situent sur un continuum (ou une échelle ordinale) où l'on passe par degrés du plus au moins. Ce qui est au coeur de l'analyse, c'est la distance fluctuante entre strates.

"L'analyse de la stratification sociale est donc orientée verticalement, mais il peut également exister des études plus horizontales se focalisant sur les relations entre égaux. Ces " égaux " peuvent correspondre à des statuts proches qui sont regroupés pour former une strate ou une couche sociale. Par exemple, les médecins et les pharmaciens peuvent être considérés comme appartenant à une même strate sociale.

"L'analyse en termes de classes sociales peut conduire à établir des hiérarchies, mais celles-ci sont, dans bon nombre de cas et notamment le marxisme, porteuses de conflits. Cette dimension agonistique n'est pas présente dans les analyses de stratification sociale. Ces dernières peuvent permettre d'identifier des classes, mais c'est au sens courant et statistique d'ensembles réunissant des éléments présentant des caractères similaires, ce qui ne présuppose aucune dimension conflictuelle. Il ne s'agit pas de nier l'existence des conflits sociaux. En revanche, ils ne dérivent pas ici immédiatement de l'identification des classes.

GURVITCH (Georges) (1954), ÉTUDES SUR LES CLASSES SOCIALES. L'IDÉE DE CLASSE SOCIALE DE MARX À NOS JOURS. Paris, Éditions Gonthier,1954, 249 pages.

Mendras (Henri) et Forsé (Michel), "
Classes, stratification et mobilité sociales" in LE CHANGEMENT SOCIAL. TENDANCES ET PARADIGMES. Chapitre 6 "Classes, stratification et mobilité sociales", (pages 155 à 180). Collection Sociologie. Paris: Armand Colin, 1991, 284 pages.

"La structure sociale" d'un pays, si l'on entend par là l'agencement de ses classes sociales, apparaît comme la charpente stable sur laquelle sont brochés des arrangements plus passagers de groupes sociaux. Telle est bien la vision du sociologue, qui prend une vue synchronique d'une société ou analyse un changement sur une période courte. Pour l'historien en revanche, qui travaille sur le long terme, la structure sociale est une permanente transformation: la naissance de la classe bourgeoise à partir du XIVe siècle analysée plus haut en est un bon exemple. Après de nombreuses transformations, cette bourgeoisie marchande deviendra la bourgeoisie capitaliste, classe dominante de l'Occident au XIXe siècle. Contre elle se constituera le prolétariat; et la lutte entre les deux les constituera en classes au sens marxiste strict du terme, Marx voyant dans cette lutte le ressort de tout le dynamisme du capitalisme; et aussi sa condamnation, puisque la prise du pouvoir par le prolétariat amènerait la constitution d'un autre mode de production.

"La naissance de la classe moyenne à la fin du XIXe siècle a radicalement changé les règles du jeu puisque l'on est passé de deux partenaires à trois. Le jeu a été lui-même bouleversé et les joueurs transformés, comme Simmel l'avait annoncé très lucidement en 1896: "La classe moyenne apporte avec elle un élément sociologique entièrement nouveau. Ce n'est pas seulement une troisième classe ajoutée aux deux autres, et qui n'en diffère qu'en degrés, comme elles diffèrent elles-mêmes l'une de l'autre. Ce qu'elle a de vraiment original, c'est qu'elle fait de continuels échanges avec les deux autres classes et que ces fluctuations permanentes effacent les frontières et les remplacent par des transitions permanentes continues (...). Telles sont les raisons qui font qu'une société où la classe moyenne est prédominante se caractérise par une grande élasticité; c'est que, les éléments y étant très mobiles, il lui est plus facile de se maintenir en variant, si le milieu varie, qu'en restant obstinément immuable." (Simmel G., 1981, p. 200.).

HALBACHS (Maurice), ESQUISSE D'UNE PSYCHOLOGIE DES CLASSES SOCIALES. Petite bibliothèque sociologique internationale. Paris: Librairie Marcel Rivière et Cie, 1964, 240 pages.


OSSOWSKI (Stanislav), "
Les différents aspects de la classe sociale chez Marx" in revue CAHIERS INTERNATIONAUX DE SOCIOLOGIE, no 24, 1958.

OSSOWSKI (Stanislav), "
La vision dichotomique de la stratification sociale" in revue CAHIERS INTERNATIONAUX DE SOCIOLOGIE, Vol. 20, 1956.

OSSOWSKI (Stanislav), "
Modes d'interprétation de la structure sociale. Essai de classification." in ouvrage sous la direction de Pierre Birnbaum, THÉORIE SOCIOLOGIQUE, pages 440 à 446. Collection Thémis. Paris: Les Presses universitaires de France, 1975, 598 pages.

SOROKIN (Pitirim), "
Qu'est-ce qu'une classe sociale ?" in revue CAHIERS INTERNATIONAUX DE SOCIOLOGIE, no 11, 1947.

STAVENHAGEN (Rodolpho), "Classes sociales et stratification" in revue L'HOMME ET LA SOCIÉTÉ, no 8. Avril-juin 1968, pages 201-211. Paris: Éditions Anthropos.

Une excellente approche théorique comparative de la dynamique sociale en sociologie marxiste (concept de classe sociale) et en sociologie fonctionnaliste (concept de strate sociale).

TOURAINE (Alain), "
Classe sociale et statut socio-économique" in revue CAHIERS INTERNATIONAUX DE SOCIOLOGIE. Volume 11, 1951.

B- Classes et stratification au Québec

Bernard (Paul) et Boisjoly (Johanne), "Les classes moyennes: en voie de disparition ou de réorganisation ?" in ouvrage sous la direction de Gérard Daigle et Guy Rocher, LE QUÉBEC EN JEU. COMPRENDRE LES GRANDS DÉFIS. Chapitre 11 (pp. 297 à 334). Montréal: Les Presses de l’Université de Montréal, 1992, 812 pp.

Paul BERNARD est professeur au Département de sociologie de l'Université de Montréal. Johanne BOISJOLY est professeure de sociologie au Département des sciences humaines de l'Université du Québec à Rimouski.

"En 1983, le journaliste Bob Kuttner lançait, dans les pages de The Atlantic Monthly, un débat qui fait rage depuis lors: les États-Unis, qui depuis toujours se sont largement perçus comme une société de classes moyennes, sont-ils en train de se polariser, maintenant que les nouveaux emplois se créent principalement aux deux extrémités de l'échelle des revenus et des qualifications? Contestée pendant un certain temps, du moins en tant que trait permanent de l'évolution de l'économie américaine (Kosters et Ross, 1988), cette thèse s'impose de plus en plus au fur et à mesure qu'on voit les revenus réels stagner et leur dispersion s'accroître (Bluestone et Harrison, 1988; Harrison et Bluestone, 1988).

"Qu'en est-il au Canada, pays dont l'économie partage dans une large mesure le même sort que celle des États-Unis? La polarisation s'y manifeste également avec force. Certes, comme le montre Wolfson (1989), I’inégalité au sens strict conserve son profil habituel: la part du revenu qui va au cinquième le moins bien payé des travailleurs oscille toujours autour de 4%, et celle du cinquième le mieux payé autour de 40%, tandis que les trois cinquièmes intermédiaires se partagent ce qui reste de manière à peu près constante.

BOURQUE (Gilles), "
La sociologie, l'État, la nation" in Cahiers de recherche sociologique, no 14, "Savoir sociologique et transformation sociale", printemps 1990, pages 153 à 162. Montréal: Département de sociologie, Université du Québec à Montréal.

"Au cours des années quatre-vingt, on a assisté à une spectaculaire régression du nombre de travaux sur la question nationale. Alors que les années soixante-dix avaient été largement dominées par la contribution de la sociographie et des sciences sociales en général à la production d'un nouveau savoir du national, la dernière décennie, à la suite sans doute de l'échec référendaire, mais à la suite aussi de la crise profonde qui a traversé l'ensemble des sociétés occidentales, a donné lieu à un déplacement de la réflexion sociologique vers le féminisme, les mouvements et les acteurs sociaux, la modernité et la post-modernité. Mais les problèmes et les objets sociaux n'apparaissent ni ne disparaissent en fonction de la mouvance de l'intérêt que leur portent les spécialistes des sciences humaines. Les débats actuels entourant la ratification des accords du lac Meech montrent bien comment la question du Québec n'a pas cessé de poser problème au Canada. La dernière décennie du vingtième siècle ne fera donc pas exception à la règle qui s'est imposée depuis la Conquête: il faudra bien que les acteurs sociaux, y compris les sociologues, se posent de nouveau la question nationale. Mais, encore une fois, il faudra chercher à comprendre comment la même vieille question s'est déplacée, car si les problèmes et les objets sociaux durent et perdurent, ils ne le font qu'en prenant une coloration nouvelle au sein de l'articulation plus globale qui les travaille. S'interroger sur le sens que prendra la question de la nation durant les années quatre-vingt-dix, c'est donc essayer de comprendre comment sa reformulation s'appuiera sur des cadres sociaux plus vastes qui sont eux-mêmes en pleine mutation.

"Au risque d'être par trop schématique, avançons d'abord que ces cadres sociaux sont ceux de l'État et de la société modernes. La forme de la nation, comme l'indique un titre évocateur de Nicole Laurin, se dessine dans le mouvement de la production de l'État. Au sein de la société moderne, I'État advient comme le lieu à partir duquel s'articule la pluralité des institutions qui reproduisent les rapports de pouvoir. La nation, communauté politique, y devient le sujet au nom duquel s'exerce le pouvoir à partir d'une instance politique séparée. S'interroger sur la nation (du moins pour nous, au Québec), c'est ainsi réfléchir au problème de la communauté et des rapports entre les communautés dans le cadre des États modernes. Une telle réflexion implique la définition d'au moins deux problèmes centraux: la particularité du communautarisme moderne et de ses effets d'oppression nationale; la transformation de la question nationale à la faveur de l'évolution de la forme de l'État.

"Posons d'abord que la formation et la reproduction de l'État moderne impliquent la production d'un sujet collectif au nom duquel s'exerce le pouvoir dans le cadre des institutions démocratiques représentatives, dites nationales et populaires. Une seule communauté politique, un seul peuple-nation tend donc à s'affirmer au sein de l'État. Partout cette production d'une communauté nationale pan-étatique (canadienne, française, anglaise, américaine, etc.) a provoqué une tendance à l'assimilation et à l'oppression des nations minoritaires. Tout État moderne devient ainsi le théâtre de luttes entre les communautés et le lieu de résistances à l'oppression que l'on saisit le plus souvent sans le concept heuristique de question nationale, puisque, par définition, le communautarisme moderne pose problème. Il n'en reste pas moins cependant qu'à partir de cette matrice commune, la question nationale sera posée différemment à la faveur des transformations de l'État.

"L'histoire du Québec constitue un terrain privilégié pour analyser les transformations de la nation et de l'oppression nationale en fonction des différentes formes de l'État moderne. Nous entendons par forme de l'État la modalité de l'intervention étatique dans les rapports sociaux, modalité qui se présente comme une articulation spécifique des rapports qu'entretiennent entre elles les différentes institutions. Dans sa configuration la plus générale, une forme de l'État constitue toujours la production d'un complexe institutionnel dont les unités sont séparées en deux sphères, I'une dite privée, I'autre dite publique. La question nationale et les rapports entre les communautés n'échappent pas à cette configuration.

BOURQUE (Gilles), Classes sociales et question nationale au Québec, 1760-1840. (1970). Texte téléchargeable ! Montréal: Les Éditions Parti-Pris, 1970, 352 pp. Collection Aspects, no 7. (Autorisation formelle de l'auteur accordée par le professeur Bourque le 12 décembre 2002)

Bourque, Gilles et Nicole Laurin-Frenette (1972). "Classes sociales et idéologies nationalistes au Québec 1969-1970". Un article publié dans la revue L'Homme et la société, nos 24-25, avril-septembre 1972, pp. 221-247. Paris: Éditions Anthropos. Texte téléchargeable ! [Autorisation accordée le 26 juin par la professeur Bourque]

Brunelle (Dorval), "
Le capital, la bourgeoisie et l’État du Québec, 1959-1976" in ouvrage sous la direction de Pierre Fournier, Le capitalisme au Québec. Chapitre IlI (pp. 79-108). Montréal : Éditions coopé-ratives Albert Saint-Martin, 1978, 438 pp.

"Le présent travail cherche à circonscrire la politique de la bourgeoisie au Québec depuis la fin du régime Duplessis dans le cadre du raffermissement des rapports d'échanges au sein d'une économie continentale. Toutefois avant d’aborder l’analyse comme telle, nous voudrions préciser quelques éléments de théorie qui sont susceptibles d'éclairer le sens et la portée des subdivi-sions retenues ci-dessous.

"Nous avons en effet choisi de mener parallèlement trois angles d'approche qui correspondent aux trois niveaux ou modes d'intervention d'une classe dans l'histoire. Or, ces trois niveaux n'ont rien d'abstrait mais correspondent au contraire à des distinctions à la fois juridiques et économiques établies dans un mode de production capitaliste, distinctions qui définissent la trame et les conditions objectives dans lesquelles les classes interviennent sur la scène de l'histoire. la première de ces distinctions est essentielle; c'est celle qui fonde le partagé entre le privé et le public, entre l'économique et le social; il est en effet de l'essence d'un mode de production capitaliste que l'activité de production des biens matériels soit conduite sous l'égide de la propriété privée grâce à l'application des "lois" développées par une "science" spécifi-que: l'économique - ou l'économie politique comme cela se disait encore au XIXe siècle.

"En principe et en pratique, ce secteur ou ce domaine est donc régi par des rapports privés entre des individus qui tiennent et détiennent une propriété privée sur des moyens de production sous une forme juridique appelée "capital" dont la contrepartie économique est le salariat, le travail salarié. A ce niveau, deux classes seulement s'affrontent sur la base de la propriété - ou de la possession - et du travail salarié: capitalistes et travailleurs salariés. L'éco-no-mie est en quelque sorte le lieu secret d'un mode de production capitaliste: c'est non seulement le lieu du travail et l'activité de travail elle-même qui sont fermés à toute intervention extérieure, c'est également là que les décisions sont prises privément et les pouvoirs exercés de manière occulte; ici ce n'est plus la contrainte sociale du nombre d'individus qui prime mais celle du poids des actions et l'impératif de l'accumulation.

"Le second secteur, ou niveau si l'on veut, est en quelque sorte l'envers de celui-là: c'est celui que l'on désigne comme la "société civile" et qui est constitué ni plus ni moins de l'ensemble des rapports sociaux autres que les rapports de travail ou que les rapports de production en tant que tels; c'est encore le côté visible, palpable des rapports sociaux. Ici, en dehors de la grève, les groupes et les classes interviennent dans des luttes le plus souvent éclatées, morcelées; ici opère le droit, l'idéologie et la politique, ici s'affrontent ou s'allient bourgeois et prolétaires, bourgeois et petits-bourgeois ou petits-bourgeois et ouvriers, ici également dominent les rapports interpersonnels chers à l'idéologie libérale.

"Le troisième et dernier élément ou secteur, comme on voudra, cautionne les deux autres et surtout le point de fracture, le clivage entre les deux autres: c'est l'État et ses gouverne-ments aussi bien aux niveaux fédéral et provincial, que municipal et scolaire. Bien sûr, en tant qu'il régit également des rapports de production - la production de services notamment - l'État participe de l'économie; en fait, l'État-patron se comporte à tous égards comme le propriétaire privé et l'on assiste dans le secteur "public" à une véritable privatisation des rapports de travail: c'est bien le rapport capitaliste de travail et le salariat qui prévalent là comme dans le secteur privé. D'ailleurs, le raffermissement des échanges économiques comme des échanges de directorats entre ces deux secteurs confirment cette complémentarité et son approfondissement. Mais l'État n'est pas que cela, il est également et surtout le garant de la distinction entre le privé et le public, entre l'économique et le social et garant aussi du fonctionnement de l'accumulation capitaliste; c'est d'ailleurs ce qui l'amène à prendre en charge les contradictions sociales produites sous l'égide du capital comme le chômage, les accidents de travail, la santé ou l'éducation, et à les prendre en charge d'une manière bien spécifique, c'est-à-dire à bureaucratiser la production des services "publics". En ce sens, l'État capitaliste n'est pas seulement un "instrument au service d'une classe" comme on se plaît parfois à le caricaturer, il marque de surcroît, en tant qu'État, à la fois les limites de l'action politique et le cadre dans lequel cette action doit opérer. En d'autres termes, la résorption des contradictions sociales dans l'État capitaliste passe forcément par la bureaucratisation tant que n'est pas remis en cause le clivage politique et théorique entre économie et société, entre capital et salariat qui constitue le fondement d'un tel mode de production.

"Ces trois domaines ou niveaux renvoient ainsi aux trois angles retenus ici: le premier ne concerne en définitive que l'économie et il s'agira alors d'étudier le cadre dans lequel opère l'économie québécoise; le second concerne la société civile, le maintien de l'ordre capitaliste et la domination de son idéologie, et il y sera alors question des associations patronales, des partis et de leurs affrontements ou de leurs tractations avec, en particulier, les syndicats; le troisième enfin est celui de l'État et de ses gouvernements, il sera à cette occasion question de la prise en charge des contradictions sociales issues de l'exploitation privée de l'économie ainsi que des stratégies mises de l'avant pour les résorber.

Denis, Roch (sociologue québécois) 1944-, Luttes de classes et question nationale au Québec, 1948-1968. Montréal: Les Presses socialistes internationales, 1979, 601 pp. (Autorisation formelle de l'auteur accordée le 12 décembre 2002)

Desbiens (Pierre), "
Perspectives sur l’État québécois" in ouvrage sous la direction de Pierre Fournier, Le capitalisme au Québec. Chapitre IV (pp. 109-134). Montréal : Éditions coopératives Albert Saint-Martin, 1978, 438 pp.

"Les réflexions qui suivent tenteront de mettre en évidence la tendance de l'État du Québec à devenir un capitaliste collectif idéal, c'est-à-dire l’organisa-tion de classe que la bourgeoisie québécoise se donne pour maintenir sa domination.

"C'est ainsi que nous émettons l'hypothèse que l'État du Québec devient une instance essentiellement productive car c'est lui qui regroupe de plus en plus les catégories productives du capital et les subsument. Ceci implique que l'État en plus de regrouper la bourgeoisie dans ses structures devient aussi un moment de reproduction politique de la classe ouvrière.

"Les grands mouvements amorcés par l'État du Québec depuis les années '60 tels que la mise sur pied d'une bourgeoisie locale monopoliste et le nationalisme bourgeois qui trouve peu à peu son achèvement dans l'avènement du PQ au pouvoir ne peuvent être perçus que par l'analyse des actions de la seule classe autonome du capitalisme, de la seule classe qui n'a pas besoin d'une institution de survie pour protéger son existence, contrairement à la bourgeoisie, puisqu'elle est le moteur primordial du capitalisme: le prolétariat.

"Afin de tirer les conséquences qui s'imposent face à l'avènement du capitaliste collectif au Québec nous tenterons premièrement de saisir les déterminations qui ont affecté le type d'interventionnisme de l'État libéral au Québec, laissant les bourgeois individuels locaux fonctionner selon les mécanismes "objectifs" de l'économie classique, et de repérer l'émergence et la signification des catégories keynésiennes qui, dès les années '60, sont adoptées par l'État en tant que science du capital et règle de l'exploitation. L'application du keynésisme au Québec constitue selon nous un virage important au niveau de la transformation des forces productives québécoises. En ce sens, il nous paraît pertinent d'amorcer l'analyse par un exposé théorique de l'intervention de l'État libéral et de celle de l'État keynésien afin de bien dégager l'aspect différentiel de ces deux types d'action étatique. Cette partie du texte en ce qui concerne le keynésisme, s'inspire de l’oeuvre d'Antonio Négri.

"En second lieu, nous décrirons ce qui constitue pour nous les forces productives afin de nous permettre de mener l'analyse empirique des différents moments qui ont bouleversé le profil des luttes de classe au Québec. À ce stade de la démarche nous tenterons d'illustrer comment sont apparues les mesures keynésiennes au Québec et quel en fut l'impact.

"Enfin, ce texte tente d'analyser concrètement l'évolution des forces productives au Québec dans leur rapport avec l'État afin de montrer comment elles ont engagé leur monopolisation et ce par le biais d'une analyse des firmes d'État.

"L'historique de la branche hydro-électrique au Québec de la fin du XIXe siècle à nos jours nous Permettra de montrer comment se présentent le capital et le travail sous l'État libéral. Ainsi serons-nous en position de repérer les différentes phases qui les ont affectés jusqu'à l'époque où l'État est contraint de nationaliser la branche.

"Notre étude se terminera par une analyse de la signification, pour l'évolution des forces productives du Québec, des mesures keynésiennes que constituent l’implantation de firmes telles la SGF, la SDI, SIDBEC et la Caisse de dépôts.

Fournier (François) et Villeneuve (Daniel), "
L’analyse de classe du PQ : un enjeu décisif pour le mouvement ouvrier" in ouvrage sous la direction de Pierre Fournier, Capitalisme et politique au Québec. Un bilan critique du Parti québécois au pouvoir. Cinquième partie : “Capital, référendum et perspectives post-référen-daires”, chapitre 4 (pp. 279-290). Montréal : Éditions coopératives Albert Saint-Martin, 1981, 292 pp.

"Le contenu de cette dernière section marque en quelque sorte l'aboutisse-ment nécessaire de notre démarche d'ensemble. À notre avis, le rappro-chement objectif du PQ avec le capital québécois depuis quelques années est une donnée absolument cruciale et chargée d'enseignement pour le mouve-ment ouvrier québécois. Nous tenterons ici d'en définir certains paramètres.

Fournier (Pierre), "
Les nouveaux paramètres de la bourgeoisie québécoise" in ouvrage sous la direction de Pierre Fournier, Le capitalisme au Québec. Chapitre V (pp. 135-181). Montréal : Éditions coopé-ratives Albert Saint-Martin, 1978, 438 pp.

"Depuis quelques années, et peut-être surtout depuis l'arrivée au pouvoir du Parti québécois, on parle beaucoup de la bourgeoisie québécoise, de son pouvoir économique, de sa cohérence et de ses intentions politiques. Les tentatives de définir avec un peu de précision les contours et les paramètres de cette bourgeoisie demeurent cependant à l'état embryonnaire et sont souvent fort contradictoires. A notre avis, ces études doivent être poussées plus loin, car elles sont essentielles, non seulement à une bonne compréhen-sion des forces en présence et du Parti québécois, mais aussi à des prises de position éclairées sur la question nationale. Ce chapitre vise donc à faire une modeste contribution au débat. en tentant de mieux cerner les composan-tes et la dynamique de la bourgeoisie québécoise.

"Il s'agira essentiellement de raffiner et de pousser plus loin certains de nos travaux antérieurs, mais aussi de faire une autocritique. En effet, si cer-tains éléments semblent avoir résisté à l'analyse, y compris la définition des trois composantes de la bourgeoisie et le rôle central de l'État comme facteur de cohésion, d'autres par contre nous semblent carrément erronés. Il s'agira aussi de critiquer, implicitement ou explicitement, certaines autres contribu-tions à J'analyse de la classe dominante au Québec. Le lecteur trouvera, par exem-ple, une tentative de critique systématique des conceptions de Jorge Niosi, telles qu'exposées récemment dans un article des Cahiers du Socialis-me. On rejettera, entre autres, le concept de bourgeoisie canadienne–fran-çai-se - erreur que nous avions nous-mêmes commise en 1976 - et l'hypothè-se que cette bourgeoisie n'est que l'aile francophone de la bourgeoi-sie canadienne.

"Après avoir tenté, dans une première partie, de délimiter tes critères qui sous-tendent notre unité d'analyse, c'est-à-dire la bourgeoisie québécoise, on examinera tour à tour le mouvement coopératif, les sociétés d’État et le secteur privé, en portant une attention particulière aux développements des dernières années et aux tendances qui se dessinent. Ces trois composantes de la bourgeoisie québécoise seront analysées non seulement en termes de leur pouvoir économique et de leur cohérence interne, mais aussi dans leurs relations avec la bourgeoisie canadienne et les politiques du Parti québécois. On émettra l'hypothèse qu'à plusieurs niveaux les bourgeoisies canadiennes et québécoises sont en conflit, et que le PQ est en bonne partie l'expression et le reflet d'une lutte de pouvoir entre les deux fractions. On prétendra aussi que la bourgeoisie québécoise s'est passablement renforcée depuis 1960, aussi bien au sein de l'État qu'à l'extérieur. Finalement, nous verrons que la bourgeoisie autochtone est beaucoup plus cohérente et consciente de ses intérêts qu'on ne le pense généralement, et qu'elle est en train de devenir, avec le PQ non seulement une classe en soi mais une classe pour soi.

Fournier (Pierre), Bélanger (Yves) et Painchaud (Claude), "
Le Parti québécois : politiques économiques et nature de classe" in ouvrage sous la direction de Pierre Fournier, Capitalisme et politique au Québec. Un bilan critique du Parti québécois au pouvoir. Première partie : “L’enjeu économique et la question nationale au Québec”, chapitre 2 (pp. 53-76). Montréal : Éditions coopératives Albert Saint-Martin, 1981, 292 pp.

Ce texte "se penche principalement sur la nature de classe du projet politique et économique du PQ, ainsi que sur le sens et le bilan de sa pratique du pouvoir. En effet les programmes et l'exercice du pouvoir par cette formation politique nous permettent de dégager la nature des intérêts essen-tiels défendus par ce parti.

"Une première section nous introduira au discours et aux objectifs mis de l'avant par le PQ depuis sa formation, tandis que la deuxième section, par le biais d'un rapide examen et bilan des législations économiques, nous amènera à voir dans la pratique péquiste du pouvoir que celui-ci tente de plus en plus de se concilier le capital québécois. Une troisième section s'attache à définir les places respectives que le PQ entend réserver au capital américain, canadien et québécois dans la perspective d'une renégociation de l'espace économique et politique canadien. Enfin, une dernière section conclut sur la nature nationaliste et capitaliste du projet de société que véhicule le PQ.

Langlois (Simon), "
Inégalités et pauvreté: la fin d'un rêve?" in ouvrage sous la direction de Gérard Daigle et Guy Rocher, Le Québec en jeu. Comprendre les grands défis. Chapitre 9 "Inégalités et pauvreté: la fin d’un rêve?" (pp. 249 à 263). Montréal: Les Presses de l’Université de Montréal, 1992, 812 pp.

Simon LANGLOIS est professeur de sociologie à l'Université Laval et chercheur à l'Institut québécois de recherche sur la culture.

"Nous présentons dans ce chapitre une brève analyse de l'évolution des inégalités sociales et de la pauvreté au Québec depuis le début des années soixante. La perspective temporelle adoptée ici comporte deux avantages sur la seule lecture transversale de la situation contemporaine. Elle permet d'abord de voir s'il y a augmentation ou réduction des inégalités ou de la pauvreté. La part de l'ensemble des revenus qui sont attribués au quintile inférieur de la population va-t-elle en croissant, ou décroît-elle au contraire? Mais la perspective longitudinale rend aussi possible l'analyse des nouvelles formes d'inégalités et de pauvreté qui sont apparues au cours de la période. Ainsi, les nombreux changements qui ont touché l'institution de la famille ne sont pas sans lien avec la transformation des formes de pauvreté et avec l'apparition de nouveaux types d'inégalités.

"L'examen de l'évolution des inégalités et de la pauvreté a permis de mettre en évidence un trait qui leur est commun, l’apparition d'un important effet de génération, qui semble être le clivage social principal à émerger dans le Québec contemporain, comme ailleurs dans le monde occidental. Nous lui accorderons une attention spéciale, avant de conclure en dégageant les enjeux et les perspectives.

Moreau (François), "
La résistible ascension de la bourgeoisie québécoise" in ouvrage sous la direction de Gérard Daigle et Guy Rocher, LE QUÉBEC EN JEU. COMPRENDRE LES GRANDS DÉFIS. Chapitre 12 "La résistible ascension de la bourgeoisie québécoise" (pp. 335 à 353). Montréal: Les Presses de l’Université de Montréal, 1992, 812 pp.

François MOREAU est professeur de sociologie à l'Université d'Ottawa.

"En 1936, Victor Barbeau publia Mesure de notre taille, ouvrage qu'il aurait pu aussi bien intituler Mesure de sa faiblesse, pour parler de la bourgeoisie francophone au Québec et au Canada. En effet, elle était carrément inexistante dans nombre de secteurs d'activité économique à cette époque. Un quart de siècle plus tard, cette situation n'avait guère changé. La Révolution tranquille trouva la bourgeoisie francophone rachitique et cantonnée aux secteurs les moins dynamiques. Dans les années soixante, Marcel Rioux proposa la notion de " classe ethnique " pour caractériser le peuple québécois, qui semblait dépourvu de bourgeoisie, à quelques exceptions près. André Raynauld devait en apporter la confirmation empirique dans son ouvrage de 1970, La propriété des entreprises au Québec, qui établissait à 16% la proportion du secteur manufacturier québécois sous contrôle francophone en 1961.

Rousseau (Thierry) et Saint-Pierre (Céline), "
Formes actuelles et devenir de la classe ouvrière" in ouvrage sous la direction de Gérard Daigle et Guy Rocher, LE QUÉBEC EN JEU. COMPRENDRE LES GRANDS DÉFIS. Chapitre 10 "Formes actuelles et devenir de la classe ouvrière" (pp. 265 à 295). Montréal: Les Presses de l’Université de Montréal, 1992, 812 pp.

"En cette fin de XXe siècle, tenter de définir la classe ouvrière dans les sociétés industrielles est une entreprise difficile, souvent imprégnée par la quête nostalgique d'un acteur social aux traits modifiés, voire effacés. En effet, la définition sociologique la plus consacrée de la classe ouvrière renvoie aux couches sociales qui ont constitué les fondements du rapport salarial fordiste, ainsi nommé par les théoriciens de l'école française de la régulation. En ce sens, la forme sociale concrète de la classe ouvrière industrielle regroupe les ouvriers de métier et les ouvriers spécialisés, plus communément appelés les OS. Les formes du travail circonscrites dans cet espace économique et social relèvent davantage du travail manuel et recouvrent des activités de transformation de la matière en vue de la production de biens matériels. Depuis les années soixante-dix notamment, le rapport salarial fordiste, rapport social central des sociétés capitalistes développées, connaît une crise majeure, à l'origine de profondes transformations de la classe ouvrière, voire de sa métamorphose. Conséquemment, il serait téméraire de retenir, sans les revoir, les critères de définition classique de la classe ouvrière, étant donné les modifications profondes de ses bases de formation et l'éclatement des modes d'insertion des couches sociales salariées dans ce nouvel espace social. Les régulationnistes parleront d'économie post-fordiste; d'autres analystes, tels que Bell et Touraine, de société postindustrielle.


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Dernière mise à jour de cette page le Vendredi 16 janvier 2009 07:19
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue