387-135-CH: Perspective sociologique
Cours de sociologie
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Exercice de la leçon 5-3: Texte complémentaire

“ Les jeunes et Internet.
Tous les adolescents ont goûté à Internet.
C'est surtout à la maison que ça se passe, et dans les deux langues
. ”

Un texte de JACQUES PIETTE (Université de Sherbrooke), CHRISTIAN-MARIE PONS (Université de Sherbrooke) et LUC GIROUX (Université de Montréal)
Le texte qui suit est tiré d'une conférence prononcée aujourd'hui lors d'un colloque sur le français et les nouvelles technologies de l'information et des communications, organisé par la Commission des états généraux sur la situation et l'avenir de la langue française au Québec, qui se tient à la Cinémathèque québécoise.

Cette présentation repose sur une étude menée sous l'égide du ministère de la Culture et des Communications du gouvernement du Québec. La recherche fait suite à une première étude menée en 1997-98 sur « les jeunes Québécois et Internet » auprès des élèves de secondaire 1 de la commission scolaire de la région de Sherbrooke. Dirigée à partir de l'Université de Sherbrooke, l'actuelle recherche a été menée en 1999-2000 en collaboration avec la France, la Belgique, la Suisse, l'Italie, l'Espagne et le Portugal à partir d'un protocole commun. La population à l'étude a été élargie aux cinq niveaux du secondaire (ou leurs équivalents). Les différents rapports nationaux ainsi qu'une synthèse des données internationales sont en voie d'être déposés. Le présent document a été élaboré à partir de l'étude menée au Québec.

L'objectif principal de la recherche internationale est de tracer un portrait des jeunes du secondaire, (12-17 ans) face au développement d'Internet et de son implantation dans les écoles.

Au Québec, l'enquête a été menée dans quatre écoles secondaires (deux à Sherbrooke, deux à Montréal), une classe par niveau du secondaire 1 au secondaire V dans chacune des écoles, soit auprès d'une population de 576 élèves durant l'année scolaire 1999-2000.

Une virtualité devenue réalité

Depuis 1997, le nombre de branchements à domicile est passé de 19 à 57 % (une augmentation moyenne de 300 %); le nombre de jeunes ayant déjà utilisé (au moins une fois) Internet est passé de 72 % à la quasi-totalité (99 %); le nombre de jeunes se déclarant usagers réguliers d'Internet (plusieurs heures et plusieurs fois par semaine) est passé de 33 à 80 %.

Malgré la croissance soutenue du nombre de branchements et des facilités d'accès, nous constatons une relative constance dans le profil des perceptions et des attitudes des jeunes observés durant ces trois années. Les tendances en développement qui émergeaient dans la première étude se précisent aujourd'hui comme une réalité plus concrète et plus clairement énoncée par les jeunes eux-mêmes.

C'est surtout à la maison que ça se passe

L'élément le plus déterminant des relations entre l'adolescent et Internet est incontestablement la présence ou non d'un branchement à la maison. L'accès facilité permet au jeune d'utiliser Internet beaucoup plus souvent et plus régulièrement la pratique est plus soutenue et plus sophistiquée. Les conditions mêmes de cet accès plus libre, plus autonome, plus individuel, diffèrent notablement de ce qu'offre le milieu scolaire.

À la maison, on a plus facilement la liberté d'accéder à Internet quand on veut et pour y faire ce qu'on veut; à l'école, Internet n'est accessible qu'à certaines heures pour y faire des activités bien précises et encadrées (recherche documentaire, construction de pages Web) alors que d'autres sont le plus souvent interdites (courriel, chat, téléchargement, jeux). Deux contextes d'usage différents, qui s'ignorent plus qu'ils ne se complètent.

Loin des discours encore de mise, souvent excessifs tant dans le panégyrique que dans l'anathème, les jeunes, autant dans la perception qu'ils ont d'Internet que dans l'usage qu’ils en font témoignent rapidement d'une modération qui s'accorde assez logiquement avec l'impression partagée qu'Internet, quoique reconnu technologiquement comme « révolutionnaire », s'intègre facilement au quotidien et sans perturbation majeure. Face à Internet les adolescents ont beaucoup plus conscience d'une évolution que d'une révolution.

La très grande majorité des jeunes ont une perception extrêmement positive d'Internet cet outil, par les pratiques qu’il permet leur paraît pleinement justifié et souhaitable : ceux qui y ont accès ne veulent plus s'en passer ; ceux qui n'en disposent pas aspirent à pouvoir en disposer au plus tôt.

Internet est avant tout considéré par les jeunes comme un instrument de divertissement (seuls 10 % d'entre eux pensent qu'Internet serait d'abord un outil dédié aux travaux scolaires), même s'ils en reconnaissent l'intérêt comme outil d'apprentissage et professionnel. Cette perception du divertissement recouvre autant une réelle pratique du loisir (celle du jeu ou du chat, par exemple) que celle d'activités autrement plus studieuses ou complexes (telles que la recherche documentaire et encyclopédique) mais qu'Internet permet d'aborder de façon divertissante. Cette caractérisation désigne moins, ce qu'on peut faire avec Internet que la manière plaisante de le faire ; c'est là le grand attrait d’Internet.

Les jeunes n'interrogent pas spontanément la crédibilité et la fiabilité de l'information ; pour eux, la question ne se pose pas plus pour Internet que pour les autres médias (le livre, la presse, la télévision... ), exception faite des pages personnelles, dont ils re connaissent la nature subjective, lieu d'expression et d'opinions individuelles. Pour le reste, ils s'en remettent au « bon sens ».

L'attrait du Net - ce qui le distingue des médias traditionnels, dont les « Programmes sont imposés » sans interaction possible - repose sur la possibilité qu'à offre de pouvoir agir et de diriger soi-même, à son gré, le mode de consultation désiré. La diversité des opérations possibles (de la navigation au téléchargement, du chat à la création de pages Web) et la variété des modes d'opération laisse à l'internaute le pouvoir d'être « maître à bord ».

Les jeunes ont très peu souvent là mémoire des sites visités et de leurs pérégrinations sur le Net. Ils passent d'un site à un autre sans souci du « chemin » pour s'y rendre. La très grande majorité a une idée très vague de l'architecture de l'ensemble ; les jeunes naviguent «sans carte» et sans crainte de se perdre. Ils privilégient le recours direct aux adresses http plutôt que l'aide des moteurs de recherche ; ils utilisent peu le marquage par signet. Une flânerie paradoxale : on emprunte le parcours le plus court sans objectif précis à atteindre. Le surf renvoie à une consommation instantanée, éphémère et sans trace.

Idéalement, le jeune préfère être seul face à son écran: les parents sont très rarement conviés, les frères, sœurs ou amis sont tolérés, comme une faveur qui leur serait accordée. Mais la pratique solitaire n"implique pas la solitude, ni l'impression d'isolement.

Les parents, une fois prise la décision d'accepter le branchement à la maison, interviennent très peu et n'exercent qu'un très faible contrôle sur l'usage que font leurs enfants d’Internet qui, pourtant deviennent souvent les premiers utilisateurs du Net Les discussions sur Internet se développent majoritairement entre pairs aux dépens des relations « intergénérationnelles ».

Même si l'ensemble de l'étude n'est pas consacré à cette dimension particulière, nous avons malgré tout abordé directement dans notre enquête la question de la langue française et Internet et ce, tant dans le questionnaire que lors des entrevues individuelles menées auprès des adolescents des différents niveaux du secondaire.

De manière unanime, les adolescents manifestent un très grand confort comme internautes francophones. Lorsqu'ils naviguent sur Internet ils ne se sentent nullement des « étrangers » dans un environnement extérieur à leur culture. Au contraire, ils estiment qu'il existe déjà beaucoup de sites et de ressources en français sur le Net (en tout cas amplement pour répondre à leurs besoins d'information et de divertissement).

L'avenir du français et son rayonnement sur la Toile ne font pas de doute à leurs yeux. Ils estiment que la situation du français va d'ailleurs continuer à aller en s'améliorant ; Internet devrait permettre la mise en commun de toutes les ressources disponibles en français.

Quant à la forte présence de l'anglais sur le Net et à la menace que pourrait faire peser sur les autres langues une telle domination, bien qu'ils la constatent, les jeunes ne considèrent toutefois pas que la présence de l'anglais nuise au français ; ils ne perçoivent pas l'anglais comme un monopole.

Les jeunes ne font pas de distinction quant à l'origine nationale des sites et des ressources sur le Net. Ils ne se réfèrent pas non plus à cette notion, pour eux abstraite, de la francophonie ; ce qui compte à leurs yeux, c'est la langue d'usage : Internet c'est en français que ça se passe.

Le français et l'anglais: des navigations croisées

La connaissance de l'anglais est perçue comme étant très utile, mais elle n'est cependant pas vue comme indispensable ; en cas de méconnaissance, on se rabat sur la « lecture des images ».

Sur le Net, le français et l'anglais entretiennent une relation «poreuse», non étanche. On passe d'une langue à l'autre (souvent même sans trop s'en rendre compte). Les langues se croisent, mais elles ne se confondent pas. Internet n'est pas l'univers du franglais : quand on navigue, on «croise» des sites en français et en anglais, mais on «pilote» en français.

Le message des jeunes est clair : il n'en tient qu'à nous d'assurer le développement et le rayonnement du français sur Internet. La question des contenus est donc fondamentale. À ce chapitre, l'école a un rôle de tout premier plan à jouer : rappelons qu'elle est, pour de très nombreux jeunes, le lieu d'initiation aux TIC et de familiarisation avec ceux-ci; elle peut favoriser le développement d'habitudes de navigation, où l'utilisation du français prédomine.

Fin.
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Voir aussi à ce sujet: un article de la Presse canadienne, “ Sondage sur l'utilisation d'Internet. Différences entre garçons et filles. ” in Le Quotidien, Chicoutimi, édition du 5 avril 2003, page 23.

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Dernière mise à jour de cette page le Dimanche 06 avril 2003 16:50
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue

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